Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Brandebourg, un ministère de résistance dans lequel Manteuffel prit les affaires étrangères (9 novembre).

Le ministère Brandebourg entra vivement en matière. Il débute par lire à l’assemblée un décret royal qui suspend ses séances et la transfère dans la ville de Brandebourg. Les députés refusent de se retirer, le général Wrangel les bloque jusqu’à ce qu’ils aient quitté la place. Ils se rassemblent le lendemain en dehors de l’enceinte législative sous la protection de la garde, civique. La garde civique est dissoute, l’état de siège proclamé, les chefs révolutionnaires arrêtés. A Brandebourg le ministère propose une constitution ; la Chambre surprise, au lieu de la bien accueillir, s’ajourne au 7 décembre. Le 5, une proclamation prononce sa dissolution en annonçant l’octroi de la constitution. Quelques tumultes dans les rues sont facilement réprimés. Le roi était redevenu maître de son Etat.

La volonté de résistance, désormais réveillée, du gouvernement impérial d’Autriche, se heurtait en Hongrie à des difficultés plus redoutables que celles auxquelles le roi de Prusse avait dû pourvoir. La vaillante nation, depuis la reconnaissance de son autonomie, se consumait en dissensions intestines. Les Croates se croyaient vis-à-vis des Magyars dans les mêmes conditions à peu près que ceux-ci vis-à-vis de l’Autriche. Ils réclamèrent aussi des franchises nationales. A Pesth, on les leur refusa. Ils s’armèrent sous leur ban Jellachich afin de les arracher. Les Serbes sous Joseph Rajacsics s’unirent à eux. Les Magyars réclamèrent l’appui de l’empereur. Pour se le rendre propice, Kossuth déclarait qu’on devait aider l’Autriche dans la guerre d’Italie en lui fournissant des troupes, car cette guerre était dirigée contre Charles-Albert et non contre la nation italienne. Le ministre Batthyany promit des secours considérables si l’empereur l’aidait à rétablir l’ordre et la paix intérieure, c’est-à-dire à écraser les Croates et les Serbes. Pour la forme seulement, afin de ne pas trop heurter l’opposition, il exprima le désir vague « que les droits et la dignité de la couronne fussent conciliés avec la liberté constitutionnelle et les vœux équitables de la nation italienne (juillet). » L’empereur fait la sourde oreille et sous-main il favorise, il excite les Croates et les Serbes… Les Magyars menacés, exaspérés, lui adressent une sommation suprême : par une députation de la Diète, ils lui demandent de sanctionner l’émission de deux cents millions, la levée de deux cent mille hommes, et de se rendre à Pesth. Cette sommation est repoussée. Sur quoi les députés remplacent à leur bonnet la plume aux couleurs réunies de l’Autriche-Hongrie par une aigrette rouge, et Kossuth donne le signal de la révolte.