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Lombardie (9 août). Palmerston hésitait à s’engager dans des pourparlers dont il prévoyait l’inutilité, mais informé qu’à défaut de la médiation le gouvernement français irait au secours du Piémont, il ordonne, par une lettre particulière, à son ambassadeur Normanby de s’unir à l’initiative française. L’Autriche ne se décidait pas plus facilement. Excitée à la résistance et au courage par l’empereur de Russie, elle renonçait de plus en plus aux pusillanimités et aux reculades ; on eut grand’peine à lui faire accepter la médiation. Elle ne le fit qu’en des termes vagues qui ne l’obligeaient à rien. Le gouvernement piémontais s’y résigna de même. Bruxelles fut choisi comme siège de la conférence.

Le général Cavaignac se montrait également secourable à Venise, au Pape.

Il maintint dans les eaux de Venise assiégée deux navires français avec ordre de s’opposer à toute attaque de vive force pendant l’armistice et à empêcher même un blocus de famine.

Dans les États pontificaux, Palmerston laissait le champ libre à l’Autriche. Cavaignac déclare à celle-ci que le refus d’évacuer les Légations ouvrirait le casus belli. Il refuse d’intervenir à Rome tant qu’il ne s’agit que de défendre le pouvoir temporel ; mais après l’assassinat de Rossi, il ne voit plus dans la personne de Pie IX qu’une faiblesse à protéger, non une domination à imposer et, sans même consulter l’Assemblée, il envoie à Rome Corcelles, avec mission d’assurer le liberté de Pie IX, sans intervenir d’aucune manière dans les dissentimens existant entre le Saint-Père et son peuple[1]. Pie IX se réfugie à Gaëte : le chef du pouvoir républicain rentre aussitôt dans la rigueur du principe nouveau ; ordre est donné à Corcelles de considérer sa mission comme terminée, et la brigade Mollière réunie à Marseille n’est pas embarquée.

Ces mesures transitoires n’étaient que des palliatifs. L’unique manière efficace de secourir ceux qui allaient succomber eût été de leur envoyer des soldats. Mais toute intervention militaire isolée de notre part aurait déchaîné une coalition européenne. Comment y eussions-nous résisté ? Les Autrichiens, dont les forces croissaient sans cesse, n’ignoraient pas notre faiblesse. « Nous savons très bien, disait à Bastide l’ambassadeur autrichien à Paris, que votre armée est désorganisée, vos finances ruinées, et que vous ne pourriez faire la guerre. — Oui, répondit Bastide, mais nous avons les moyens révolutionnaires. — Sans doute, mais vous n’y aurez pas recours, avait répondu le diplomate en souriant,

  1. Bastide, ministre des affaires étrangères, à Corcelles, 27 novembre 1848.