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taille, à frondes en éventail, des Dragonniers, des Bananiers. Les arbustes les plus communs étaient des Myricas à feuilles coriaces, épineuses, des petits Chênes à feuilles persistantes, des Camphriers, des Térébinthes, des Jujubiers et des Légumineuses. Les grands arbres, sauf le Callitris, ne se trouvaient pas sur les bords du lac, ils formaient une forêt à quelque distance ; on fait cette supposition parce qu’on n’en a que des organes isolés qui sans doute ont été entraînés par le vent. L’ensemble de ces plantes indique une température de 22 à 24 degrés. Quelques-unes ont des affinités asiatiques et africaines ; la plupart se rapprochent de celles qui vivent maintenant dans les pays méditerranéens.

Armissan, près de Narbonne, représente une époque géologique un peu plus récente qu’Aix. C’est aussi un gisement d’une singulière richesse ; Saporta en a décrit 170 espèces. Lorsque je l’ai visité, on voyait en avant des carrières une quantité de pierres de taille couvertes de végétaux fossiles, notamment des feuilles d’Aralia aux élégantes découpures ayant près d’un pied de large, des gousses d’Acacias, des fruits et de belles feuilles d’Anœctomeria, plantes voisines de nos Nénuphars. Je fus émerveillé en face de cette sorte de gigantesque herbier fossile que les carriers avaient inconsciemment étalé devant ceux qui aiment les reliques du vieux monde. Si Rabelais avait pu être conduit à Armissan par son ami Antoine, l’ancêtre de Saporta dont j’ai parlé, il eût ajouté peut-être un curieux chapitre sur les objets servant à l’instruction de Gargantua. Il est remarquable qu’auprès de plantes de pays chauds à feuilles persistantes, on rencontre de nombreux genres à feuilles caduques voisins de ceux de nos pays : Bouleaux, Peupliers, Érables, Ormes, Châtaigniers. Cela indique que les saisons étaient mieux accusées, les hivers étaient devenus plus froids.

Le gisement de Manosque, dans les Basses-Alpes, est un peu moins ancien que celui d’Armissan, qui, je viens de le rappeler, est moins ancien que celui d’Aix, moins ancien lui-même que celui de Paris, moins ancien que celui de Sézanne. Aussi, en comparant les espèces de ces divers gisemens, Saporta a pu saisir leurs lentes transformations. M. Zeiller, bon juge dans toutes les questions de paléontologie végétale, a dit : « Saporta a montré comment on est passé peu à peu de la flore des gypses d’Aix par élimination de certains types tropicaux à la flore aquitanienne telle qu’on l’observe à Manosque. » Ce gisement est un de ceux que Saporta a le plus explorés après celui d’Aix, parce que son frère le comte de Saporta, après avoir laissé son fils, le vicomte Gaston, continuer la brillante existence qu’il avait menée à