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diminue : l’habitude qu’il avait d’apporter des idées neuves lui sembla avoir une occasion de plus de se manifester en parlant de la famille de Mme de Sévigné, car son gendre le comte de Grignan, sa fille, sa petite-fille Mme de Simiane, ont passé la plus grande partie de leur vie en Provence. Saporta en a trouvé des souvenirs très vivans dans la ville d’Aix, qu’il a toujours habitée, on y garde la tradition de la grâce de la marquise de Sévigné, de la froideur hautaine de sa fille, du faste du comte de Grignan et de la douceur de la petite-fille de Mme de Sévigné, la marquise de Simiane. Le père de ce chevalier de Perrin, qui a livré à la publicité les lettres de Mme de Sévigné et de Mme de Grignan, était un marchand d’Aix. Lorsque les lettres parurent, c’est de cette ville surtout que sortirent les récriminations des femmes de la société d’Aix, objets des risées de Mme de Grignan.

La marquise de Sévigné n’a pas fait de longs séjours en Provence ; on doit s’en féliciter, car c’est par suite de l’éloignement de la mère et de la fille, que tant de lettres, rangées parmi les trésors de la littérature française, ont été écrites. Mais elle y est restée assez de temps pour qu’on ait pu établir un contraste entre son esprit vif, gai, aimable et celui de sa fille.

Mme de Grignan, par suite de la position de son mari, était à la tête de la société provençale. Quoique Mme de Simiane, effrayée du mécontentement causé par la publication du chevalier de Perrin, ait brûlé la plupart des lettres de sa mère, il est facile de juger par les réponses de la marquise de Sévigné des critiques qu’elle faisait des femmes auprès desquelles elle était obligée de vivre. On lit dans une des réponses de la charmante épistolière : « Mon Dieu, ma fille, que votre lettre d’Aix est plaisante… vous avez donc baisé toute la Provence… Je comprends vos pétoffes admirablement ; il me semble que j’y suis encore. » Mme de Sévigné s’apercevait comme sa fille des défauts qui se mêlent aux grandes qualités des Provençaux, mais elle savait mesurer ses paroles ; elle excellait à réparer les blessures de vanité que sa fille, plus vaine et moins fine qu’elle, avait faites. Saporta a dit : « Elle gagnait en appel pour le compte de sa fille bien des procès perdus en première instance. »

Notre auteur s’est étendu longuement sur le comte de Grignan. Il a eu sur lui des informations précises, parce que le chevalier de Saporta, dont il était le cinquième descendant en ligne directe, a été le commandant des milices de la Provence pendant le gouvernement du comte de Grignan et s’est ainsi trouvé en fréquens rapports avec lui. On reconnaît dans ses appréciations le naturaliste habitué aux classifications ; il distingue deux hommes en M. de