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un des rares tableaux dus au sculpteur Pierre Puget ; c’est une Sainte Famille. Pour donner une idée de la simplicité de Saporta, je dirai que, lors de ma première visite à Aix, il me conduisit par un escalier de service à une salle où étaient ses fossiles, sans penser à me montrer son hôtel, de sorte que, pendant plusieurs années, je crus que son habitation de ville était très modeste.

La belle stature de Saporta, ses manières toujours d’une distinction parfaite se conciliaient avec une bienveillance qui le rendait tout à fait séduisant ; il était si naturellement grand seigneur qu’il n’avait nul besoin de tâcher de le paraître. Je n’ai pas connu dans la Société géologique de France un homme plus universellement honoré. Il aimait beaucoup cette société et il avait raison, car elle est certainement une de celles où l’on travaille davantage et où règne le plus d’accord ; on y voit peu de luttes d’amour-propre. C’est peut-être parce qu’en face de la nature immense que les géologues suivent à travers les âges, ils se trouvent si petits que leurs prétentions personnelles diminuent ; c’est peut-être aussi parce que les excursions géologiques où l’on se fatigue, dîne ensemble, couche sous le même toit, établissent des liens de sympathie ; car, en dépit de ce que disent des esprits chagrins, la plupart des hommes gagnent à se connaître.

Saporta est mort subitement, dans la pleine possession de ses facultés, à l’âge de soixante et onze ans, le 26 janvier 1895. Les académies d’Aix et de Marseille lui ont rendu de grands hommages ; les gens de tous les partis ont assisté à ses funérailles, et, quelques jours après sa mort, le conseil municipal d’Aix a donné le nom de rue Gaston de Saporta à la rue de la Grande-Horloge où s’était écoulée sa vie, consacrée au bien et à la recherche de la vérité.


II


Le plus important des travaux historiques publiés par Saporta est son volume intitulé : La famille de Mme  de Sévigné en Provence d’après des documens inédits. Ce volume a 400 pages ; il en a paru un extrait le 15 janvier 1887 dans la Revue des Deux Mondes. Les admirateurs du génie scientifique de Saporta ont éprouvé un étonnement mêlé de regrets en le voyant dérober à ses originales recherches sur l’histoire du monde primitif le temps qu’il consacra à l’étude de personnages sur lesquels on a déjà tant écrit[1]. Mais, quand on lit son ouvrage, l’étonnement

  1. Travaux de MM. Feuillet de Conches, Paul Janet, Gaston Boissier, etc.