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Maladie infectieuse, au premier chef, la grippe n’épargne jamais le système digestif. Dans tous les cas et dans toutes les formes typiques, il est de règle d’observer un état bilieux très prononcé avec perte de l’appétit, langue recouverte d’un épais enduit jaunâtre, congestion lancinante du foie, souvent de la rate, inertie intestinale habituelle. — C’est là un minimum symptomatique, que l’on peut considérer comme constant, et pour ainsi dire inévitable. Mais lorsque ces phénomènes sans caractère, — et communs à toutes les maladies microbiennes, — dépassent les limites de leur moyenne évolution et se traduisent par des manifestations inaccoutumées : vomissemens répétés, hyper-esthésie abdominale, dévoiement, le type intestinal, auquel nous avons fait plus haut allusion, est créé, imposant à la grippe une inquiétante empreinte de cholérisme ou de péritonisme, ne poussant cependant qu’exceptionnellement jusqu’aux dernières limites une analogie plus émouvante que redoutable. Cette forme intestinale est surtout le propre des épidémies de la saison chaude. On la voit quelquefois, comme en 1894 à Poitiers, précéder de très près une grave pandémie de fièvre typhoïde ; et même, pendant quelque temps, évoluer de conserve avec celle-ci, sous l’influence de conditions météoriques également favorables à leur culture microbienne.

À ces trois types, réputés classiques, il conviendrait d’en ajouter un quatrième, le rhumatismal, non moins fréquent et non moins accentué que les précédens. La dernière exacerbation nous en a surtout fourni de remarquables exemples. Ces cas, dont la grippe n’a du reste pas le monopole, ont de commun, avec le rhumatisme articulaire habituel, la rapidité et la multiplicité des fluxions. Ils s’en différencient par une plus grande violence de la réaction initiale, et par le peu de durée des phénomènes spécifiques. Ceux-ci disparus, avec une surprenante brusquerie, la maladie générale suit ou reprend son cours, caractérisée d’ailleurs par quelques-uns de ses signes thoraciques préférés : laryngo-bronchite ou pleurite.

Considérées, il y a peu de temps encore, comme de vraies atteintes rhumatismales, ces formes que l’on rencontre à tous les degrés d’évolution dans la généralité des affections microbiennes, sont aujourd’hui taxées, à leur juste valeur, par l’impartial jugement de la bactériologie. Loin de représenter autant de faits individuels d’une entité morbide précise, elles se réduisent, pathologiquement à la très simple expression d’un arrêt accidentel, sur les séreuses articulaires, d’un détachement quelconque de l’armée microbienne qui a envahi l’économie. En d’autres termes,