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principalement les crachats, doués au plus haut degré du rôle propagateur si connu des crachats tuberculeux ; ses sueurs ; sa respiration. Puis les effets à son usage, surtout les vêtemens de laine et les fourrures. Enfin, en dehors de lui, les marchandises provenant des pays influenzés, les lettres et journaux transportés par la poste, et ces trois grands récepteurs communs des germes malfaisans : l’air, le sol, et l’eau.

Quelques exemples de filiation directe serviront à atténuer l’inévitable aridité de cet énoncé technique. Le premier grippé de Brest, en 1890, fut un officier, qui venait d’ouvrir des caisses expédiées de Paris. Quelques jours après, le vaisseau la Bretagne, sur lequel servait cet officier, et la ville, étaient en pleine épidémie. Qui ne se rappelle encore les extraordinaires ravages causés par l’influenza de 1889, dans notre administration des postes ? Dans la plupart des bureaux de ville, la désertion d’une grande partie du personnel fut presque immédiate ; et le service ne put être assuré que par l’aide improvisée des garnisons, qu’aucun besoin public ne trouve jamais en défaut. Pareille observation nous est rapportée par les médecins des Etats-Unis : à New-York et à Boston, c’est-à-dire aux principaux points d’arrivage des courriers européens, les employés des postes furent les premiers frappés. Et l’on pourrait multiplier, à l’infini, des faits analogues et non moins significatifs. Aussi bien, laissons à chacun le soin de recueillir ses souvenirs personnels : nous ne saurions souhaiter de contrôle plus décisif et plus concluant.


III

Malgré l’excessive profusion de ses atteintes, la grippe est peut-être, de toutes les maladies infectieuses, celle qui passe le plus souvent inaperçue. — Cela tient à la déroutante variabilité de sa symptomatologie. — Légère et de peu de durée, on lui dénie le droit de porter ce nom troublant ; grave, elle en est dépossédée par la complication prédominante qu’elle a provoquée. De sorte que cette dénomination pathologique ne représente, en réalité, que les formes moyennes, toujours les plus nombreuses et les mieux réglées dans les grandes manifestations, mais qui sont loin de donner la note exacte des péripéties cliniques et de la mortalité des épidémies. Avec des proportions essentiellement variables, selon les circonstances, l’influenza se répartit individuellement en cas légers, graves ou malins. C’est la loi commune à toute évolution épidémique. C’est aussi le résultat obligé de