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utilité. Ce serait autre chose s’il s’agissait d’un journal quotidien. On pourrait avec celui-ci exercer une action puissante, et je crois à la probabilité du succès matériel, dans le cas où l’on serait à lieu de le préparer et de l’attendre pendant deux ans. Je me consacrerais avec zèle et tout entier à une œuvre semblable, parce que j’y verrais un grand résultat, un moyen plus sûr que tout autre de servir mon pays et l’humanité. Toutefois je ne m’engagerais qu’à deux conditions : l’une que j’aurais la certitude que le journal serait dirigé selon mes principes ; l’autre, que j’y trouverais immédiatement les ressources nécessaires pour vivre aisément, et la garantie d’avantages futurs en cas de succès. Car je n’ai rien, et je dois songer à pourvoir au temps où mes forces usées ne me permettront plus le travail. Les rédacteurs ne m’embarrasseraient pas : on n’en manque jamais, quand on a du reste une direction ferme et une.

Je vous réitère, monsieur, l’assurance de mes sentimens très dévoués.

F. DE LAMENNAIS.


Renduel n’entra pour rien dans la publication des Œuvres complètes de Lamennais, acquises à Daubrée, et n’entreprit ni revue ni journal : c’est ce qu’il pouvait faire de mieux.


IV. AZAÏS. — HENRI DE LATOUCHE. — LE VICOMTE H’ARLINCOURT. — LÉON GOZLAN. — JOSEPH D’ORTIGUE.

Le premier des correspondans de Renduel — par ordre alphabétique — est un sage, Azaïs, le philosophe moraliste, qui professa d’abord à l’Athénée, puis dans son propre jardin, sa consolante doctrine, ce système des compensations qui répondait si bien à la simplicité de ses mœurs, à la douceur de son caractère. Azaïs avait fait, en 1831, un cours d’Explication universelle à la Société de civilisation, et il l’avait fait ensuite imprimer chez Levrault en autant de fascicules qu’il y avait eu de leçons. Le titre était des plus beaux : Ecole de la Vérité. Plus tard, il entreprit de donner à cet ouvrage une suite en soixante séances et autant de livraisons : la première leçon eut lieu le 22 janvier 1834, et la première livraison parut à la fois chez Renduel et chez l’auteur, rue de l’Ouest (aujourd’hui d’Assas), passage Laurette. Pour être philosophe. Azaïs n’en avait pas moins une fière idée de lui-même, et il le laisse assez voir dans une lettre singulière adressée à quelque ami commun qui l’avait mis en rapport avec Renduel :


Vous avez été témoin, mon cher ami, de l’accueil qui m’a été fait avant-hier, et de l’intérêt avec lequel j’ai été écouté. L’empressement à venir m’entendre n’a été que trop grand ; en montant l’escalier je n’ai rencontré que des personnes qui s’en retournaient, n’ayant pu pénétrer dans la salle ;