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départ le « meneur » a repris la parole. La minute lui est propice ; il a maintenant « sa majorité ». Les opinions sont faites et on procède au vote. Depuis soixante ans, ce vote a lieu au scrutin secret ; nous sommes de ceux qui le regrettent. C’est par-dessus tout dans les choses de justice qu’il faudrait que chacun eût, avec sa pleine indépendance, l’entière et publique responsabilité de chacun de ses actes.

En Angleterre il faut, nous le savons, que les jurés se mettent d’accord. Cette obligation de constituer l’unanimité a ses inconvéniens, et soulève, même chez nos voisins, les plus sérieuses controverses. Elle a en tous cas l’avantage de donner aux décisions du jury une autorité imposante et de faire obstacle aux fâcheux commentaires qui peuvent suivre nos verdicts rendus à la simple majorité. Sans prendre parti sur cette question complexe, souhaitons du moins que nos jurés votent à voix haute. Ils ne méritent pas, à notre avis, l’accusation de peur qu’on leur a souvent jetée à la légère ; mais si en quelque circonstance, devant des menaces directes, ils ont eu une défaillance, ce vote secret en a été certainement complice. En face d’un danger, tout juré français eût rougi de déclarer sa faiblesse, et, par un louable amour-propre, eût pris le parti du courage.

Enfin notre jury a épuisé sa tâche, le verdict est rendu. Si ce verdict est sage, rendons-en grâces aux dieux, car les hommes n’ont peut-être pas fait tout ce qui dépendait d’eux pour aider à ce résultat.

Comment ont concouru à cette décision, bonne ou mauvaise, et à l’arrêt qui va la suivre la Cour, le président, le barreau et le ministère public ? C’est sur ces points que nous allons maintenant porter notre examen.


JEAN CRUPPI.