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ceux qui y ont passé comme une marque indélébile ; ils conservent d’elle un souvenir attendri ; ils ne peuvent se rappeler sans plaisir et sans émotion ces fortifiantes heures de travail et de bonne camaraderie où l’on a formé des amitiés qui vous resteront fidèles toute la vie et qui s’étendront jusqu’aux familles des amis disparus, conclu ce pacte de patriotisme et d’honneur, de devoirs et de traditions, qui ne sera plus rompu. C’est cette pensée d’affection et de reconnaissance pour l’École qui procure à la fois de si douces joies et des pensées si hautes, ce retour ému vers le passé qui donne un si grand prix à ce beau livre[1], où M. Gaston Claris, qui appartient à une famille de polytechniciens, qui lui-même est ancien élève de l’École, et peintre de sujets militaires, par son crayon et par sa plume a fait revivre la Polytechnique à ses différens âges, dans les anciens bâtimens du collège de Navarre, sur la Montagne-Sainte-Geneviève. Il a reconstitué tout ce passé, remontant jusqu’aux premières années de l’École, montrant ce qu’elle était à son époque, il y a trente ans, et la représentant telle qu’elle est aujourd’hui et, pour arriver à ce résultat, il n’a négligé aucun moyen, consultant bibliothèques, archives, publications, mémoires, dessinant, rétablissant la série des uniformes, de l’équipement et de l’armement, prenant tous ses croquis sur la nature même et communiquant enfin à tout cet ensemble une intensité de vie aussi attrayante dans le dessin que dans le récit. Ce n’est pas seulement tous ceux qui ont passé par l’école qui se retrouveront plus jeunes en voyant ces souvenirs défiler sous leurs yeux et qui garderont quelque reconnaissance pour le camarade qui est parvenu à ressusciter tout ce qui reparaît si souvent dans leurs rêveries : l’ouvrage constituera aussi un puissant encouragement pour ceux qui se destinent à l’École. A côté des pages qui prouvent que l’on sait s’y amuser, — moins souvent peut-être que ces croquis sembleraient l’indiquer, — ils y trouveront les plus beaux exemples qu’ont laissés ceux qui les ont précédés dans la carrière, et c’est pour cela que l’on peut considérer l’intéressant volume de M. Gaston Claris, édité avec un grand luxe dans le papier, l’impression et l’illustration, comme un des plus sérieux et utiles livres d’étrennes de 1896. Mais voici, dans un tout autre genre, un livre d’un chroniqueur alerte et très renseigné : la Vie des boulevards — Madeleine-Bastille[2], livre gai, plein d’humour, de l’entrain et de l’esprit le plus parisiens, pour ne pas dire gaulois, et du genre d’esprit qu’il fallait pour écrire sur ce monde si complexe et si mêlé du boulevard, où tous les types de la comédie humaine en action, lettrés et politiques, millionnaires et gueux, prolétaires et bourgeois, habitués et rastaquouères, filles et

  1. Notre École polytechnique, texte et illustrations par M. Gaston Claris, 1 vol. in-4o ; May et Motteroz.
  2. La Vie des boulevards : — Madeleine-Bastille, par M. Georges Montorgueil, 1 vol. petit in-4o, illustré par M. Pierre Vidal ; May et Motteroz.