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son rapport, c’en est du moins l’esprit. La confiance patriotique que le digne commissaire général manifeste dans les inépuisables ressources de la richesse française ne prévaut pas contre cette impression de derrière la tête, où il faut aller chercher le sens véritable de sa pensée.

Je ne parle pas de l’Exposition de 1889, qui ne fut point, à proprement dire, une exposition, mais une bruyante et souvent hideuse kermesse, contre laquelle les documens les plus terribles abondent, qui sont connus de tout le monde.

Pour le moment, je ne veux retenir de ces critiques que ceci : les expositions dites universelles sont condamnées ; la situation économique, la lourde charge qu’elles sont pour tous, l’état alarmant de la dette publique, exigent qu’elles disparaissent. Et s’il est prouvé qu’il faut encore des expositions, mais sous des formes atténuées, pourquoi ne ferait-on pas l’essai d’expositions spéciales, comme en 1855, après une première expérience, le proposait le prince Napoléon ? Elles suffiraient amplement aux besoins de l’industrie et du commerce, car on pourrait les multiplier autant et chaque fois qu’elles seraient jugées utiles. Je sais bien qu’elles existent déjà et qu’on n’en tire pus le bénéfice qu’on devrait en attendre. En général, elles prennent des airs peu sérieux de bazars nomades et de déballages forains qui éloignent d’elles l’homme désireux de s’instruire, pour n’attirer que l’éternel badaud à qui cela est indifférent d’aller ici ou là, pourvu qu’il aille quelque part. Sous prétexte d’électricité, par exemple, ou de cyclisme, les industries les plus disparates et les plus bizarres commerces les envahissent et les noient. On y voit surtout d’invendables pianos et de répugnantes pâtisseries, des armoires à glace et des trousseaux de linge, des plats en cuivre repoussé et des panoplies terrifiantes à treize sous. Les plus étranges objets s’y empilent sur les plus douteuses inventions. Et c’est avec bien de la peine que le visiteur sincère finit par découvrir quelque chose qui ressemble à ce qu’il est venu voir, sur la foi des affiches et la recommandation des journaux. Mais cela ne prouve rien contre le principe de ces expositions ; cela prouve qu’elles sont mal organisées, voilà tout, que leur installation défectueuse est généralement copiée sur celle des expositions universelles par de peu respectables entrepreneurs de publicité et louches courtiers d’annonces, étrangers d’ailleurs à toute espèce d’industrie classée non moins que de commerce régulier, et qui ne voient là qu’un moyen de gagner de l’argent au détriment du naïf public et de l’exposant abusé. Toute la question est en ceci, que ces expositions doivent être réorganisées sous le patronage des chambres de commerce et des chambres syndicales des grandes industries. Rien n’est