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de l’Europe, se couvre d’usines, elle fabrique tout ce qui est nécessaire aux besoins de son existence nationale, prête bientôt à dégorger sur le monde, avec le trop-plein de ses greniers, le surcroît de son activité industrielle. Il n’est pas jusqu’au Japon, au tenace, ingénieux et mathématique Japon, qui ne s’annonce comme une rivalité redoutable, et ne menace de nous débusquer à bref délai de nos débouchés de l’Extrême-Orient, en attendant que, par une loi fatale d’évolution, il envahisse nos marchés continentaux.

Ce qui est vrai, c’est que l’étranger vient chez nous, non plus pour ses affaires, mais pour ses plaisirs. Il demande à Paris de n’être plus, pour lui, qu’une joie des yeux, un délice du ventre, un assouvissement de volupté. Il se promène, regarde, compare, prend des notes quelquefois, mais il n’achète plus, ou, du moins, il achète peu ; — quelques robes encore, quelques chapeaux, et c’est tout. Les énormes machines, les outillages compliqués, tous les objets nécessaires à sa vie commerciale et de haut luxe que nous lui fournissions, il les possède chez lui, aussi bien ouvrés que les nôtres. Dans certaines industries considérables, comme celles des papiers peints, des étoffes ornementales, des meubles, il cherche et invente, alors que nous nous obstinons à copier servilement les vieilles formes, à restituer les vieux dessins. L’étranger n’a plus rien à apprendre de nous, dans nos expositions, en revanche il a tout à y gagner, et je suis de l’avis d’un ancien ministre des finances, M. Allain-Targé, quand il dit : « Convoquer à Paris tous les dix ans, non seulement nos cliens de France, de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique, mais en même temps tous nos rivaux, et ouvrir à ceux-ci, à Paris même, le marché français dans des conditions de faveur pour eux exceptionnelles ; leur préparer nous-mêmes des magasins, des étalages où ils pourront, avec l’attrait de l’exotique et de la nouveauté, rassembler leurs échantillons les mieux choisis, user de nos journaux, de l’éclat de notre hospitalité, pour proposer à leurs hôtes la concurrence des réductions de prix, de la réclame et du bon marché ; en un mot, pour détourner nos acheteurs ordinaires, c’est une opération qui m’a toujours paru parfaitement absurde. » Et parfaitement dangereuse aussi, car je veux livrer à la méditation des organisateurs quand même le fait que voici. En 1867, le plus grand, le seul succès de cette exposition fut, on se le rappelle, la galerie des objets estampés, qu’on dénomme articles-Paris. À cette époque, cette industrie, très prospère, constituait pour la capitale une véritable richesse. La foule stationna longtemps dans cette galerie, et prit plaisir à voir fabriquer sous ses yeux ces menus objets populaires, ces riens de fer-blanc, de bois colorié, de cuir et de laiton, qui encombrent les petites boutiques au jour de l’an, et que vendent