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les résultats de ces traités. La plupart des autres chemins de fer concédés à des compagnies secondaires en déconfiture étaient enchevêtrés dans les lignes de la compagnie d’Orléans, qui était, de toutes les grandes compagnies, celle qui avait montré le plus de résistance à l’extension de son réseau. Après avoir repoussé un projet de convention présenté par le gouvernement, pour incorporer ces chemins de fer dans le réseau de la compagnie d’Orléans, les Chambres décidèrent leur rachat, sur le pied du remboursement des dépenses utilement faites. Cette mesure avait, à un bien plus haut degré que les conventions de 1859, le caractère d’une libéralité, à l’égard des porteurs de titres des petites compagnies ; elle s’appliquait, en effet, à des lignes dont les produits nets ne devaient, en aucun cas, se développer suffisamment pour couvrir les charges du capital dépensé. L’Etat reprit ainsi, en 1878, 2 600 kilomètres de lignes, dont une partie était en exploitation, et dont les autres devaient être achevées aux frais du Trésor. De dix petits réseaux n’ayant entre eux aucun lien, on fit un réseau provisoire des chemins de fer de l’État, sans cohésion et sans élémens de trafic, traversé par les lignes de la compagnie d’Orléans, poussant des tentacules à travers les réseaux voisins, et qui n’était pas susceptible d’une exploitation rationnelle et productive.

En même temps, on dressait le programme de grands travaux publics qui fut voté, en 1879, au milieu d’un enthousiasme universel. Nous n’avons pas à parler ici des travaux intéressant la navigation intérieure ou maritime, évalués d’abord à un milliard, puis à un milliard et demi, enfin, en 1882, à plus de deux milliards et demi. Pour les chemins de fer, le Conseil général des ponts et chaussées avait arrêté un classement de 4 500 kilomètres nouveaux, qu’il évaluait en moyenne à 250 000 francs, en proposant d’en subordonner l’exécution à la fourniture des terrains par les localités intéressées. Dans le projet de loi définitivement voté, cette condition avait disparu ; mais les lignes classées avaient été portées à 8 800 kilomètres. Bien qu’une partie des lignes ainsi ajoutées dussent être établies dans les régions les plus montagneuses, on réduisait l’estimation à 200 000 francs par kilomètre ; on arrivait ainsi à évaluer à trois milliards et demi les dépenses à faire, tant pour l’achèvement des lignes déjà concédées ou décrétées, que pour la construction des lignes classées. On prévoyait, pour les travaux, une durée de dix à douze ans, en déclarant, il est vrai, que l’exécution des lignes resterait subordonnée aux possibilités financières ; mais il eût fallu ignorer singulièrement les nécessités d’un régime fondé sur l’élection, pour croire