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assurés de toucher le dividende implicitement garanti. Mais ce dividende, inférieur au dividende qu’auraient donné les premières lignes concédées, si les compagnies n’avaient pas imprudemment étendu leur réseau après 1852, n’était qu’un minimum. Le stimulant fort efficace laissé aux compagnies, c’était l’espoir très sérieux d’éteindre un jour leur dette, et de recouvrer la liberté de leur dividende. Les auteurs des conventions de 1839 considéraient cette éventualité comme certaine. S’il en eût été autrement, si le dividende minimum assuré aux compagnies eût été, en même temps, le maximum pratiquement réalisable, leur système n’eût tendu à rien moins qu’à transformer ces compagnies en des régisseurs désintéressés, gérant pour le compte de l’Etat des exploitations dont les résultats n’auraient jamais pu se traduire, pour elles, ni en bénéfice ni en perte. Nous croyons inutile d’insister sur ce fait, que si une pareille situation venait jamais à se réaliser d’une manière durable, elle constituerait incomparablement le plus déplorable de tous les modes d’exploitation imaginables.


Pendant une vingtaine d’années, les conventions de 1859 ont pu s’adapter à tous les besoins, grâce à des conventions successives qui ont modifié le capital garanti et la consistance des divers réseaux, mais qui ne touchaient pas au fond du système. Sans entrer dans le détail de ces conventions, il est bon de dire un mot de quelques-unes de leurs clauses, pour faire voir comment, lorsqu’on a mis le doigt dans l’engrenage de la garantie d’intérêts, le corps y passe tout entier.

Les conventions de 1859 n’attribuaient une garantie qu’aux dépenses de premier établissement, c’est-à-dire aux dépenses nécessaires pour la construction, l’armement et la mise en exploitation des lignes. On dut bientôt y ajouter les travaux complémentaires, c’est-à-dire les dépenses faites sur les lignes en exploitation, pour améliorer leur situation en augmentant leurs moyens d’action. En théorie, il semble que rien n’empêchait de laisser à la charge des actionnaires l’intérêt et l’amortissement des capitaux empruntés pour ces travaux, puisque les compagnies n’avaient rien stipulé à ce sujet dans les conventions primitives. En pratique, on reconnaît bien vite que, du jour où une compagnie jouit d’une garantie basée sur les recettes et dépenses réelles de l’exploitation, l’intérêt même de son garant est de l’autoriser à porter en compte les travaux complémentaires.

En effet, parmi ces travaux, il n’en est qu’un petit nombre qui s’imposent en tout état de cause, par exemple ceux que le ministre prescrit par des motifs de sécurité ; ceux-là, l’Etat aurait