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d’aller à Sainte-Hélène sur le vaisseau chargé de ramener les cendres.

Le prince démontre avec douceur qu’on ne lui permettra pas ce pèlerinage et il annonce son intention de se réfugier à Londres. Louis éclate et répond par une lettre malignement révélée par les Mémoires de Metternich, qui achève de peindre ce piteux caractère et qui explique comment son fils, presque en toute occasion, le respecte et lui désobéit : « Mon fils, lorsque je croyais avoir raccommodé vos affaires, ou, pour mieux dire, réparé autant que possible vos graves torts, je reçois votre lettre du 9 de ce mois, dans laquelle je vois que vous êtes encore à Arenenberg et que vous parlez de vous retirer en Angleterre. Cela me désole. Du reste, je n’ai plus rien à vous dire, c’est fini pour toujours mais je remplis un dernier devoir en vous priant de faire attention aux paroles suivantes. Il ne peut être question pour vous de la Bavière, beaucoup moins de l’Angleterre ; vous n’avez qu’un parti à prendre, c’est de vous jeter dans les bras de l’empereur d’Autriche, si vous voulez vivre réellement tranquille, comme vous dites. Adieu.

Le prince, pour toute réponse, vend à réméré sa propriété d’Arenenberg, réalise la fortune de sa mère et part pour Londres « plus décidé que jamais à triompher ou à mourir. » Il débuta par publier les Idées napoléoniennes, « afin de prouver qu’il n’était pas seulement un hussard aventureux. »

Dans cet ouvrage remarquable par la précision de la pensée, il groupait avec art autour d’une idée substantiellement identique la politique intérieure et extérieure de son oncle. À l’intérieur, la fusion de tous les partis ; à l’extérieur, la confédération des peuples reposant sur des nationalités complètes et des intérêts généraux satisfaits. La sainte-alliance est une idée de Napoléon : il voulait la Sainte-Alliance des peuples par les rois, non celle des rois contre les peuples. Loin d’être partout l’ennemi de la liberté, Napoléon l’avait préparée partout. Toutefois, en préparant les possibilités futures, il tenait compte des impossibilités présentes : lorsque dans un pays les partis sont acharnés les uns contre les autres par des haines violentes, il faut que ces partis disparaissent, que ces haines s’apaisent, avant que la liberté soit praticable. De même à l’extérieur on ne pouvait songer à affranchir les peuples tant que sévissait la guerre implacable à laquelle l’Angleterre condamnait la France ; les provinces qu’incorporait Napoléon étaient des moyens d’échange tenus en réserve jusqu’à une pacification définitive ; aux Italiens, en recevant la députation qui lui apportait la couronne, il déclarait « son intention