Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/835

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

familière, abandonnée, telle que Hortense eut l’illusion de se retrouver au milieu de sa propre famille. Elle parla alors au roi du projet de lettre de son fils ; le roi l’engagea à la lui envoyer.

On la comblait de prévenances et d’attentions afin que, satisfaite et maniable, elle partît au plus tôt. Elle y était décidée, lorsque, le prince ayant été pris d’une fièvre brûlante, elle dut différer. On a raconté que Casimir Perier aurait dit au conseil « A l’heure même où Votre Majesté recevait la mère, le fils était en conférence avec les principaux chefs du parti républicain et cherchait les moyens de renverser votre trône. » Le chef du cabinet put se convaincre dès le lendemain de la fausseté de ce rapport, en venant porter lui-même à la reine la réponse aux désirs qu’elle avait exprimés. On lui accorderait un passeport ; on s’intéresserait à la revendication de Saint-Leu garantie par les grandes puissances ; on offrait un secours pécuniaire ; mais on ne pourrait accepter le prince dans l’armée que s’il changeait de nom ; le gouvernement devait éviter d’inquiéter les puissances, car les partis montraient un tel acharnement que la guerre le perdrait. La reine remercia des bonnes paroles et refusa le secours. Le prince s’indigna qu’on lui proposât l’abandon de son nom. « Vous aviez raison, ma mère, fit-il, retournons dans notre retraite. »

Cependant le 5 mai, anniversaire de la mort de l’Empereur, approchait et une manifestation populaire s’annonçait au pied de la colonne Vendôme ; on commençait à chuchoter de la présence du prince, déjà quelque peu populaire par l’équipée des Romagnes. Le 4 mai, d’Houdetot vint notifier à la reine qu’à moins que la vie de son fils ne fût en danger, elle eût à quitter sur-le-champ la France. La reine demanda qu’on attendît que les sangsues mises au cou du prince, et qu’elle montra, eussent cessé de couler, qu’elle partirait aussitôt. Dès le 6, elle se mit en route. En dehors des aimables paroles, le seul service effectif qu’elle reçut du gouvernement de Louis-Philippe fut de n’avoir pas été arrêtée, comme le permettait la loi de 1816.

À Londres le prince fut pris, par suite des fatigues de ce voyage précipité, d’une jaunisse dont il eut de la peine à se remettre. On l’accusa néanmoins d’être venu en Angleterre pour v guetter la couronne de Belgique. Il se crut obligé à un démenti. Son seul désir eût été de combattre « en qualité de simple volontaire, dans les rangs glorieux des Belges ou dans ceux des immortels Polonais, s’il n’avait craint qu’on n’attribuât ses actions à des vues d’intérêt personnel. »

Hortense fit témoigner à Talleyrand le désir de le voir. À ce désir sans dignité, Talleyrand répondit par un refus sans courtoisie. Il envoya sa nièce, Mme de Dino, demander en quoi il pouvait