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ceci du carbonarisme. Aucun des deux n’était affilié au carbonarisme, né dans l’état Napolitain et à peu près inconnu en Toscane et à Rome. Ils eussent cru s’abaisser en s’astreignant à des mots d’ordre sectaires. Leur dévouement envers l’Italie était aussi spontané que celui envers la Grèce, la Belgique, la Pologne. Ce furent ces sentimens généreux communs à toute la jeunesse du temps, et non les devoirs d’une affiliation inexistante, qui les décidèrent à promettre à Ciro Menotti, de Modène, d’apporter le prestige de leur nom à l’insurrection prochaine.

Hortense vivait à Rome dans les alarmes : elle devinait ce qu’on ne lui confiait pas ; chacune de ses lettres était une prédication de prudence. « L’Italie, écrivait-elle, ne peut rien sans la France. Une levée de boucliers sans résultat anéantit pour bien longtemps les forces et les hommes d’un parti, et l’on méprise toujours celui qui tombe (8 janvier 1831). »

Les deux princes hésitaient entre ces conseils et leur impatience d’action, quand une circonstance imprévue triompha de leurs incertitudes.

Inquiets de quelques troubles survenus à Rome et aussitôt réprimés, ils avaient pressé leur mère de les rejoindre, lui annonçant que le lendemain ils viendraient à sa rencontre. Le peintre Léopold-Robert, alors dans l’intimité du prince Napoléon et de sa femme Charlotte, et dont le cœur s’emplissait goutte à goutte de cette ivresse d’amour à laquelle sa raison a fini par succomber, a raconté en témoin ce qui se passa en cette occasion. En allant au-devant de leur mère, « les jeunes princes furent reçus à Spoleto, à Terni, avec de si vives démonstrations de joie, on leur fit tant d’instances pour se joindre aux insurgés, qu’ils se laissèrent entraîner. Napoléon les suivit par faiblesse. Quand je les vis à Terni, je m’aperçus combien il était préoccupé de la position où il mettait sa famille il m’en parla beaucoup, mais enfin le sort en était jeté[1]. »

À Florence, au lieu de ses fils, Hortense trouva la lettre suivante de Louis : « Votre affection nous comprendra ; nous avons pris des engagemens, nous ne pouvons y manquer, et le nom que nous portons nous oblige à secourir les peuples malheureux qui nous appellent. Faites que je passe aux yeux de ma belle-sœur pour avoir entraîné son mari, qui souffre de lui avoir caché une action de sa vie. »

Hortense conjura ses fils de revenir ; le roi Louis lança après eux des courriers ; le cardinal Fesch, Jérôme, firent de même ; tous adressèrent des demandes de rappel au gouvernement

  1. A M. Marcotte, de Florence, 1831