Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/826

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le roi de Naples la trouvait trop rapprochée de ses États.

Hortense, chassée de Paris dans les deux heures, parce qu’on l’accusait d’avoir voulu empoisonner tous les souverains alliés, eût voulu s’établir en Suisse. La confédération ne l’y autorisa pas. Elle se rejeta alors sur Constance. Le grand-duc, malgré sa parenté, la pria de s’éloigner. Elle dut se réfugier en Bavière, où son frère Eugène lui assura un asile à Augsbourg. Elle y acheta une maison, et pendant quatre années, tandis que son fils étudiait au gymnase de la ville sous la direction d’un nouveau précepteur, le fils du conventionnel Lebas, elle tenait chaque jeudi un cercle fort recherché. Elle obtint enfin du canton de Thurgovie l’autorisation de demeurer dans le château d’Arenenberg qu’elle venait d’acheter. Elle s’y établit définitivement dès que son fils eût terminé son éducation. Comme le froid y était fort rigoureux, elle prit l’habitude de venir chaque hiver à Rome auprès de Mme Letizia après une halte à Florence, pour saluer son mari avec qui elle s’était réconciliée pour la forme. Les deux frères, séparés par la discorde familiale, goûtaient ainsi la joie de se retrouver pendant quelques jours.

Les Bonaparte ne méritaient guère les suspicions inquiètes dont la Sainte-Alliance les poursuivait. Chacun d’eux ne songeait qu’à recueillir ses débris et s’arranger le moins mal possible, dans sa situation de proscrit, à ne pas se compromettre, à se faire oublier. Joseph s’occupait de ses propriétés, Lucien de ses fouilles. Jérôme de ses divertissemens, Louis de ses compositions littéraires. Ils pratiquaient à l’envi l’oubli des injures : Joseph correspondait avec Lafayette, Jérôme avec Fouché ; Louis avait le culte de l’Autriche, et publiait, sur son administration en Hollande, un ouvrage, qu’à Sainte-Hélène Napoléon qualifia de libelle plein d’assertions fausses et de pièces falsifiées. Il fut plus dévoué à la gloire de son frère dans un petit écrit sur Walter Scott (1828) ; cependant, même dans ces notes laudatives, une large part appartient encore à la critique. Il blâme les mauvais procédés contre « l’incomparable reine de Prusse », d’autant moins excusables « que la Prusse est l’amie et l’alliée inséparable de la France. » Il reproche de n’avoir pas rétabli la Pologne, d’avoir légiféré sur les questions religieuses, sans le consentement de l’Église et de son chef. Il déplore l’expédition de Russie, il attribue à la prudence intempestive, qui empêcha de distribuer des armes aux faubourgs, l’entrée des alliés à Paris. En général, les préoccupations politiques tenaient peu de place dans l’esprit de l’ancien roi de Hollande ; il se consacrait tout entier à ses compositions poétiques. Il publiait un essai sur la versification, une tragédie de Lucrèce en vers sans rimes, réduisait en vers de la