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moins nécessaires, et, partant, qu’elles soient plus rares, on ne songe pas à le contester. Mais qu’elles disparaissent tout à fait, ne serait-ce pas espérer au-delà des espérances permises, puisque les minorités, pour être représentées, doivent atteindre un certain chiffre et que, pour atteindre ce chiffre, il faut à quelques-unes d’entre elles s’entendre, transiger et fusionner ensemble ?

De même pour la seconde promesse des partisans de la représentation proportionnelle. Ils nous disent qu’une fois leur système accepté, comme tous les électeurs ou presque tous, tous ceux qui appartiennent à un parti classé, seraient, à tout événement, sûrs d’être représentés, il n’y aurait plus d’excuse aux abstentions et que, partant, le nombre en diminuerait naturellement. Cela encore peut être regardé comme possible dans une certaine mesure, en tant, précisément, que la complication de la formule n’effraierait pas les électeurs et ne se changerait pas elle-même en une cause d’abstention.

En outre, — et c’est la troisième promesse de la représentation proportionnelle — parce que, dans le système grossier et oppressif de la majorité, ce sont les plus calmes, les plus réfléchis qui s’abstiennent et parce que, dans le système qui lui serait substitué, ils n’auraient plus de motifs de s’abstenir, la politique y prendrait des allures modérées et le courant s’en rectifierait ; elle ne connaîtrait plus ni bouleversemens, ni reviremens subits, ni affolemens de boussole, ni brusques changemens de route.

Voilà ce que nous promettent les amis de la représentation proportionnelle et peut-être s’avancent-ils un peu trop ; peut-être, encore une fois, en faut-il rabattre. Ce serait une vérité et une justice plus grandes qu’aujourd’hui ; mais ce ne serait que plus de vérité et plus de justice, non pas toute la justice et toute la vérité, puisque pour une voix de moins que le quotient, des fractions considérables d’électeurs pourraient n’être pas représentées. Et, quand même tous ces avantages : moins de coalitions, moins d’abstentions, moins de surprises et comme d’explosions dans la politique, la représentation proportionnelle nous les assurerait tout entiers, il y aurait des vices ou des infirmités du système actuel qu’elle ne guérirait pas et d’autres qu’elle empirerait.

Elle ne supprimerait ni ne diminuerait la corruption électorale ; elle ne mettrait pas obstacle, par elle-même, aux ingérences abusives de l’administration ; elle ne purifierait pas les élections, n’en expulserait pas ou n’y neutraliserait pas ces élémens de perturbation qui les faussent. Si le système adopté était celui de la concurrence des listes, à cause de la rigoureuse discipline que les partis devraient observer et de l’obligation de déposer à l’avance une liste officielle de candidats, elle accroîtrait la puissance des