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ans de prédication et de discussion, de plus profondes racines dans le champ, si souvent retourné, de la législation électorale.

On nous cite victorieusement les school-boards d’Angleterre, le Danemark, le Portugal, l’Espagne, quelques cantons suisses, certains Etals de l’Union américaine, Buenos-Ayres et le Brésil. Mais l’élection aux school-boards est-elle donc une élection politique ? En Danemark, la représentation proportionnelle s’applique bien aux élections politiques, mais, sans donner d’autres raisons, tirées de la nature et de la position réciproque des partis, le système d’Andræ n’y est en vigueur que pour la nomination des membres de la Chambre haute par des électeurs du second degré dont la moitié est elle-même élue par des électeurs censitaires. En Portugal, l’expérience du vote limité s’est bornée, pour la seconde Chambre, à 21 collèges électoraux sur 100 ; en Espagne, y compris Cuba et Puerto-Rico, 369 collèges élisent 445 députés, c’est-à-dire que le vote limité ne fonctionne que dans un petit nombre de circonscriptions. Les cantons suisses sont placés dans des conditions toutes spéciales et ne sauraient prêter argument pour des pays qui ne sont pas la Suisse, puisque les élections politiques elles-mêmes y ont toujours quelque chose de local et presque de communal.

Dans les États ou territoires de l’Union américaine, Pensylvanie, New-York, Illinois, Californie, Virginie occidentale, Utah, Missouri, quoique l’on ait admis, pour les élections politiques, ici le vote limité et là le vote cumulatif, on les a pratiqués surtout ou pour des élections municipales ou pour la formation de bureaux électoraux, ou pour l’élection des juges, ou pour celle des conseils d’assistance publique, ou pour celle des conseils des sociétés par actions. — Buonos-Ayres ! ajoute-t-on, et le Brésil ! Mais le Brésil réaliserait-il l’idéal de la paix et de la stabilité dans le régime représentatif ? et doit-on offrir Buenos-Ayres en modèle à toutes les républiques parlementaires ?

Puis, que cite-t-on encore ? L’île de Malte ! le cap de Bonne-Espérance ! la Nouvelle-Galles du Sud ! Mais on ne cite pas un exemple topique et décisif d’un grand État européen. En revanche, on citerait l’exemple topique en sens contraire de deux grands États, au moins, qui ayant fait l’essai, aux élections politiques, du vote limité, bâtard de la représentation proportionnelle, l’ont abandonné assez vite, ou ne l’ont gardé, l’un, l’Angleterre, que pour l’élection administrative des conseils d’école, l’autre, l’Italie, que pour les élections municipales.

D’où vient cette froideur envers la représentation proportionnelle ? Si c’est la vérité et la justice, d’où vient que les hommes et les peuples, dont on a dit qu’ils ont soif de justice, d’où vient