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Mais le scrutin vient d’être clos : le dépouillement va commencer. On extrait de l’urne les bulletins et on les classe par paquets : dans un premier paquet, ceux qui ne portent qu’un nom ; dans un deuxième paquet, ceux qui portent deux noms ; dans un troisième, les bulletins à trois noms ; ainsi de suite. C’est l’ordre logique, et l’ordre des préférences est sauvegardé. Nous faut-il insister encore ? et ne sait-on pas assez maintenant en quoi consiste, sur quoi repose, ce qu’est et ce que vaut le système d’Andræ et de Thomas Hare ?

Il porte, il est assis sur ces deux points : le quotient, le chiffre d’élection : pour être élu, le candidat doit avoir un chiffre de suffrages égal au quotient de la division du nombre des votans par le nombre des sièges à pourvoir ; et la liste de préférence : tout électeur peut inscrire sur son bulletin dix noms quand il y a dix sièges à pourvoir : une voix ne compte qu’à un candidat, mais elle compte toujours à un candidat, toujours au goût de l’électeur, en ce sens que, le quotient une fois atteint par le premier de la liste, les voix de supplément profitent au second et l’aident à se faire élire à son tour ; de même, du deuxième au troisième et jusqu’au dernier de la liste.

Ce n’est pas le scrutin de liste, puisque chaque électeur ne vote valablement que pour un seul candidat, mais c’est un scrutin uninominal dans un scrutin de liste, puisqu’il y a dix sièges à attribuer et que chaque électeur peut inscrire, selon l’ordre où il désire aider à l’élection de l’un d’eux, les noms de dix candidats. Ce système admet et réclame soit la division du pays en circonscriptions dont chacune nomme plusieurs députés (et plutôt en un petit nombre de circonscriptions très vastes dont chacune doit élire un certain nombre de députés) soit la réunion du pays tout entier en une circonscription unique, dans le louable dessein de favoriser l’entrée au parlement d’hommes d’une réputation nationale qui n’auraient nulle part d’attaches plus étroites et que ce manque de racines en un coin de terre et de liens autour d’un clocher empêcheraient de réussir dans telle ou telle circonscription locale.

Que le transfert ou le report des voix d’un candidat sur l’autre ait lieu, d’ailleurs, au gré de l’électeur, comme le voulaient Andraæ et Hare, ou bien au gré du candidat, s’il avait déclaré d’avance qui il entend faire bénéficier des suffrages qu’il aurait en trop ; quel que soit celui de ces procédés de transfert des voix que l’on choisisse, le vote, dans le système du quotient et de la liste de préférence, est individuel et personnel : il est un classement, un rangement de personnes. On ne soutiendrait pas, évidemment, que les partis n’y sont pour rien ni que l’élection n’a