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sont pas les conclusions qui importent, c’est ce qui les précède. D’honnêtes réflexions ont moins déportée que des exhibitions et un dialogue ! qui ne l’étaient guère. Nous n’avons pas confiance. Même ces éclats de voix nous paraissent un peu déplacés et inutiles. Il se pourrait qu’il y eût moins d’importance que ne le croit M. Lavedan à ce que les fêtards ne fissent plus la fête. Car, qu’est-ce qu’ils pourraient bien faire ? La vraie morale consiste à les laisser s’agiter dans leur coin et à ne pas encombrer du récit de leurs piètres exploits les journaux, les romans et les scènes de théâtre. Il y a en haut et en bas des sociétés une écume et une boue ; à les remuer, ce qu’on gagne c’est uniquement de nous en éclabousser.

Ce que je viens de dire s’appliquerait aussi bien au genre parisien dans le roman. Je n’oublie pas que nous sommes au théâtre. Mais le système dramatique usité pour ces sortes de pièces est connu. Il consiste à rapprocher des scènes qui se suivent au hasard et sans lien, à prêter aux personnages un dialogue factice, où nous retrouvons sans cesse les idées de l’auteur, les mots de l’auteur, l’esprit de l’auteur, quand ce n’est pas cette espèce de drôlerie anonyme et uniforme que la mode impose à un même moment à tous les professionnels en guise d’esprit. Si le théâtre parisien marque un progrès en ce sens qu’on nous y fait entendre et voir des choses de plus en plus scabreuses, au point de vue de l’art spécial du théâtre il n’apporte aucune nouveauté utile. Je suis loin d’ailleurs de contester la légitimité du genre, et je crains qu’on ne soit injuste quand on en étudie les spécimens comme on ferait pour une comédie. Ce sont les tendances du public qui créent les genres. Après un long temps de faveur l’opérette est démodée ; elle a cessé de plaire. L’importante clientèle qui y trouvait jadis un moyen agréable de passer ses soirées devra aux pièces parisiennes la même espèce de satisfactions que l’opérette ne sait plus lui procurer.

Il faut bien que les gens s’amusent. Et il n’y aurait pas lieu de se fâcher, si l’on ne voyait des écrivains d’un réel talent se dépenser dans un genre indigne d’eux, qu’ils devraient abandonner aux simples faiseurs. Nous formons en terminant ce souhait, d’avoir bientôt à applaudir M. Lavedan, comme nous l’avons déjà fait, pour quelque belle comédie où il aura mis tout ce qu’il y a en lui de verve, d’esprit mordant, de justesse d’observation et de pénétration morale.

Les deux pièces sont jouées à la perfection. Mme Jeanne Granier s’est révélée comédienne dans le rôle de Claudine Rozay. M. Guitry ne nous avait jamais si pleinement satisfait que dans celui de Georges Vetheuil. Mme Réjane est délicieuse. Et je ne ferai qu’un reproche aux excellens acteurs du Vaudeville : c’est qu’on ne les entend pas.


RENE DOUMIC.