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trois billets suivans adressés à Renduel, dont deux sont de la main d’Hugo :


Voici les quelques lignes que vous m’avez promis de faire passer au Courrier Français. Je compte sur votre bonne amitié. V. H.


Mlle Juliette, cette jeune artiste pleine de beauté et de talent, que le public a si souvent applaudie à la Porte-Saint-Martin, est sur le point de quitter ce théâtre. Plusieurs administrations dramatiques lui font en ce moment des offres d’engagement. Il est probable que c’est à la Comédie-Française que Mlle Juliette donnera la préférence. Son talent, si digne et si intelligent, l’appelle à notre premier théâtre.


Renduel envoya cette note au journal, — non sans l’avoir fait copier pour ne pas compromettre Hugo,- et quelques jours après il recevait la réponse suivante, en date du 1er février :


Mon cher ami,

Il m’est impossible de mettre la note que vous m’avez envoyée dans le Courrier. Quand je vous verrai, je vous expliquerai les nombreux motifs de cette impossibilité. L’un d’eux est la crainte de choquer un de mes collaborateurs qui porte, dans ses articles Théâtres, un jugement tout différent sur la personne. Chez nous, tous les collaborateurs sont amis et s’entendent entre eux ; ils sont, je puis le dire, consciencieux : ainsi il ne serait pas bien de se mettre en contradiction aussi ouverte.

Dans toute autre circonstance, je suis votre tout dévoué,

MOUSSETTE.


Remarquez la date de la réponse (1er février) ; rappelez-vous qu’Angelo fut joué à la Comédie-Française le 28 avril 1835, un an et demi après Marie Tudor, et vous saurez en quelle année cette lettre fut écrite ; vous comprendrez pourquoi le poète tenait tant à faire entrer Juliette aux Français : c’était pour lui confier quelque rôle, peut-être celui de la camériste Dafné qui fut créé par Mlle Thierret, alors toute jeune et toute mignonne. Hugo n’en arriva pas à ses fins, et « la princesse Negroni » ne put jamais forcer les portes du Théâtre-Français.


ADOLPHE JULLIEN