Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 132.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auteur qu’il devrait s’entendre avec Renduel pour racheter le droit de publication des deux premiers volumes ; mais il n’en coûta pas à Lacroix la grosse somme de 30 000 francs, comme on l’a dit un jour, en plus des droits payés à Victor Hugo. La négociation fut des plus faciles ; Lacroix alla trouver Renduel dans sa retraite de la Nièvre et l’entente se fit rapidement entre eux, sans débat d’aucune sorte : Renduel reçut en tout et pour tout 8 000 francs[1].

J’arrive au Roi s’amuse, sur lequel il convient d’insister.

J’ai dit plus haut que les traités conclus par Hugo avec Renduel pour le Roi s’amuse, Lucrèce Borgia, Marie Tudor et Angelo étaient comme identiques. En voici les conditions principales tirage à 2.000, plus 200 de mains de passe et 50 réservés pour l’auteur ; — tous les exemplaires devant être revêtus de la griffe de Victor Hugo ; — mise en vente dix jours seulement après la première représentation, sauf consentement de l’auteur pour abréger ce délai ; — l’auteur rentrant de droit dans sa propriété au bout d’une année à dater de la mise en vente, ou même auparavant, si les deux mille exemplaires étaient épuisés avant ce délai ; — comme prix, enfin, 4 000 francs, toujours échelonnés en quatre termes, variables selon les traités, mais ainsi fixés pour le Roi s’amuse : 1 000 francs comptant, 1 000 le lendemain de la mise en vente, et 2 000 en deux billets, l’un à six, l’autre à douze mois de l’acte signé.

Dans le traité visant le Roi s’amuse, — et seulement dans celui-là, — un article additionnel prévoyant le cas où la censure interdirait la représentation du drame, annulait le traité dans cette hypothèse et portait que l’auteur serait tenu de restituer à l’éditeur l’argent et les billets reçus. Cela prouve absolument que Victor Hugo, qui joua si bien la surprise et la colère indignée

  1. A propos de la Quiquengrogne, on lit ce qui suit dans la Revue de Paris (n° de septembre 1832) : « M. Victor Hugo, dont le dernier drame, le Roi s’amuse, est en répétition, doit publier cet automne un nouveau volume de poésies et deux romans. Le premier, qui a pour titre la Quiquengrogne, a été acheté 15 000 francs par les libraires Charles Gosselin et Eugène Renduel. Ce titre a quelque chose de bizarre. Qu’est-ce que la Quiquengrogne ? Nous avons entendu faire déjà si souvent cette question que nous sommes heureux de pouvoir répondre par un document à peu près officiel. Voici l’extrait d’une lettre de M. Victor Hugo lui-même à ses éditeurs : « La Quiquengrogne est le nom populaire de l’une des tours de Bourbon-l’Archambault. Le roman est destiné à compléter ses vues sur l’art du moyen âge, dont Notre-Dame de Paris a donné la première partie. Notre-Dame de Paris, c’est la cathédrale ; la Quiquengrogne, ce sera le donjon. L’architecture militaire, après l’architecture religieuse. Dans Notre-Dame j’ai peint plus particulièrement le moyen-âge sacerdotal ; dans la Quiquengrogne, je peindrai plus spécialement le moyen-âge féodal, le tout selon mes idées, bien entendu, qui, bonnes ou mauvaises, sont à moi. Le Fils de la Bossue paraîtra après la Quiquengrone et n’aura qu’un volume. » — La Quiquengrogne et le Fils de la Bossue, autant en emporta le vent.