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Il existe en ce moment un nombre considérable de feuilles locales combattant de la sorte ; mais entre elles aucune relation n’est établie. Ce défaut d’entente fait leur faiblesse. Une correspondance qui leur serait adressée chaque semaine faciliterait la tâche du rédacteur, lui apporterait, à dates fixes, au moment où se prépare le numéro hebdomadaire, les dernières nouvelles, avec le diapason juste. Ces forces isolées seraient décuplées si elles étaient groupées.

Un parti bien organisé devrait s’attacher aux publications populaires.

On remplirait une bibliothèque en collectionnant ce que les socialistes ont fait paraître depuis deux ans, c’est-à-dire depuis leur levée de boucliers. Dans le flot de brochures qui se publient, il y a peu d’ordre : formats, titre, tout est assez disparate. Les Anglais ont une méthode digne d’être imitée. La société puissante qui s’est créée chez nos voisins pour résister au socialisme, sous le nom de Liberty and Property Defence League, a fait deux sortes de publications dont la dimension et l’objet varient profondément : les unes forment des brochures assez étendues, pleines de citations, destinées aux hommes éclairés qui étudient les questions pour s’instruire et afin d’être en mesure de réfuter les idées fausses ; les autres sont très courtes, très précises ; destinées à la vulgarisation, elles sont rédigées en un style fort clair et ne traitent à la fois qu’une seule question : elles s’adressent aux ouvriers, aux paysans. Des millions d’exemplaires de l’une et de l’autre variété ont été répandus en Angleterre depuis quelques années. En ce moment, un effort de ce genre s’accomplit parmi nous. Avant peu, ceux qui luttent contre le socialisme auront à leur disposition des brochures, des « tracts », des almanachs populaires. C’est un instrument de lutte indispensable et que nous ne possédions pas.

Quel que puisse être le soin avec lequel les brochures seront distribuées ou vendues, il n’est rien de tel que la parole pour déterminer la conviction. Que ce soit au nord ou au midi, dans une ville populeuse ou dans un village, l’auditeur est toujours le descendant de ces Gaulois qui aimaient à entendre bien parler. César reviendrait parmi nous qu’il trouverait le même goût pour la parole publique. Pourquoi laisser cette arme au parti radical ? Demandez à un jeune Anglais récemment sorti d’Oxford combien de conférences de village il fait en une année. Qu’il soit libéral ou conservateur, radical ou unioniste, peu importe : il croirait manquer à lui-même ou à son parti s’il ne portait pas dans des réunions l’écho de sa science fraîchement acquise. Lisez la Revue de la jeunesse socialiste, publiée à Toulouse : vous y verrez