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La presse relève du Conseil national : aux anciens journaux qui donnent le diapason et qui exercent une influence dominante sur une province s’ajoutent des feuilles nouvelles d’un rang inférieur, puis les publications hebdomadaires et les revues mensuelles. Si la presse socialiste était dirigée avec autant de discipline que ses rédacteurs y consacrent de fécondité, l’effet serait prodigieux ; heureusement, les jeunes gens qui déversent dans ces feuilles et ces revues, nées d’hier, le trop-plein de leur imagination, sont le plus souvent des irréguliers qui s’enrôlent avec enthousiasme et qui, la campagne terminée, ne se réengagent guère ; souvent même la campagne ne s’achève pas. Le Conseil national ne se préoccupe pas de ces détails, il a d’autres soucis plus graves que n’ont pas les partis en Angleterre ou en Belgique. La politique extérieure tient une grande place dans ses délibérations : dans une déclaration qui rappelle les discours du trône, le dernier Congrès (Romilly, 9 septembre) a traité la question sociale en Belgique, félicité les Italiens, envoyé des avertissemens au tsar et au roi d’Italie et crié « Merci et bravo » aux socialistes allemands ; mais, à côté de ces manifestations tapageuses, les rapports sur toutes les formes de la propagande, sur les élections, sur l’action du parti ouvrier, témoignent de l’activité du Conseil.

Faisons la part des exagérations : en fait de charlatanisme, les austères docteurs du socialisme sont passés maîtres ; néanmoins les faits sont là, il n’est pas permis d’en douter. On sait s’organiser en France, on sait mettre en commun des efforts, grouper les initiatives, en un mot constituer un parti. Il suffit de vouloir, c’est-à-dire de réunir un petit nombre d’hommes résolus, sachant mettre au service d’une idée leur activité et surtout leur dévouement. Ce serait une erreur de croire que pour réussir il est nécessaire, dès le début, d’être nombreux. Toutes les œuvres vraiment fécondes ont grandi lentement, comme les forces de la nature : sorties d’un germe, elles se sont développées peu à peu, se sont répandues, ont vu naître autour d’elles des rejetons, et, après quelques années d’efforts suivis, on demeure tout étonné de les voir multipliées et prospères. Mais il faut que le germe soit fécond, c’est-à-dire que les idées autour desquelles s’unit le parti répondent à un besoin, que le programme soit clair et attrayant, que les hommes inspirent confiance.


V. — PROGRAMME D’ACTION : LES IDÉES

Les partis qui se forment pour repousser une attaque violente sont tentés de mettre sur leur drapeau un seul mot : la