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O sœur des pauvres gens qu’a ballottés l’orage,
Vous qui savez le poids de l’humaine douleur,
Vous, toute frissonnante en face de l’outrage !
Comme l’oiseau captif aux mains de l’oiseleur,

Madeleine au front blanc, Madeleine au cœur tendre,
Qui trônez aujourd’hui dans le ciel azuré,
Soufflez sur ce néant, éveillez cette cendre,
Touchez du doigt ces yeux qui n’ont jamais pleuré.

Le spectre qui nous hante était à votre porte.
Les rêves de nos nuits, vous les aviez souvent,
Et vous étiez aussi comme la feuille morte
Que tour à tour apporte ou remporte le vent.

On a craché sur vous, on vous a souffletée.
Sous un ciel toujours sourd vous erriez sans abri.
Mais une larme tombe, et soudain rachetée,
Au jardin de l’Epoux vous avez refleuri.

Oh ! S’il reste un peu d’huile à la lampe d’argile,
Si le figuier séché doit reverdir un jour,
Délices du ciel bleu, rose de l’Evangile,
Heureuse Madeleine, apprenez-nous l’amour !


GABRIEL VICAIRE.