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gisemens d’œufs situés sur les terrains sablonneux, généralement abandonnés et qui laissent surgir de redoutables armées de sauterelles.

Mais ce n’est pas seulement certaine catégorie de terrains qu’il faut surveiller ; toutes les terres doivent être soumises à une minutieuse inspection, car cette inspection doit servir à dresser ce que M. Künckel, qui en est l’inspirateur, appelle les cartes de prévision. Ces cartes donnent au gouvernement algérien, comme à celui de la métropole, le moyen de connaître par avance si l’Algérie est oui ou non sous la menace d’une invasion, d’en apprécier l’importance et de prescrire les moyens de destruction. Elles servent encore à justifier ou à repousser les demandes de secours devenues malheureusement très fréquentes en Algérie.

On estime que l’on a mis à mort, dans la seule campagne 1887-1888, 1 200 milliards d’acridiens, et c’est encore par milliards qu’on les a détruits de 1889 à 1893. Quelles multitudes ne détruirait-on pas, si — ce qu’à Dieu ne plaise — une nouvelle invasion se produisait, maintenant qu’on est pourvu d’un nombreux outillage et qu’on sait utiliser d’excellens procédés de destruction. En 1888 et 1889, 6 000 appareils cypriotes perfectionnés de 50 mètres chacun, en toile de cretonne, ont été mis en adjudication par le gouvernement, livrés et répartis. Le service des forêts algériennes a fourni plus de 100 000 piquets de chêne pour la pose des barrages ; l’industrie privée a livré 6 000 masses d’acier pour enfoncer ces piquets, 400 000 mètres de cordes pour les relier entre eux et y suspendre les toiles ; elle a encore fourni 60 000 feuilles de zinc pour garnir les fosses, sans compter un nombre considérable de melhafas, des approvisionnemens de branches ou de battes en alfa tressé pouvant écraser les criquets naissans et, enfin, des matières combustibles devant servir à les incinérer.

Aujourd’hui la colonie africaine, pourvue de 12 à 15 000 appareils avec tous leurs accessoires, peut donc se défendre scientifiquement et méthodiquement. En sus de l’aide que la troupe peut lui fournir, elle possède tous les moyens possibles de combattre avec succès un fléau dont la disparition sera, à tous les points de vue, un grand bienfait.


EDMOND PLAUCHUT.