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petite mouche cendrée du nom d’Anthomya Cana, une espèce en quelque sorte retrouvée, nous en aurons fini avec la série des diptères parasites des acridiens. Quelques-uns de nos lecteurs, le plus grand nombre sans doute, la trouvent déjà beaucoup trop longue, mais il n’en sera pas ainsi des colons algériens qui voient dans ces insectes minuscules, protecteurs de leurs moissons futures, un secours en quelque sorte providentiel.

Cette anthomye joue en Algérie un rôle de quelque importance dans la destruction des œufs de sauterelles. Elle est remplacée aux Etats-Unis par une espèce connue sous le nom d’Anthomya augustifrons. Elle détruisit dans le Missouri, le Kansas et autres Etats, dix pour, cent et au-delà de l’acridien ravageur, le Caloptenus spretus[1].

Lors des invasions de 1891, 1892 et 1893, la présence de larves fut signalée sur une foule de points ; dans les trois départemens algériens, on en vit pulluler là où se trouvaient des pontes de criquets pèlerins ; devenues fortes, elles labourèrent en tous sens certains gisemens d’œufs et en détruisirent jusqu’à 50, 75 et 100 pour 100. De leur éclosion, naquirent des mouches de la taille de la mouche commune, celle qu’on appelle l’Idia lunata.

Ces mouches suivent les vols des criquets pèlerins et lorsque les acridiens atterrissent pour s’accoupler et pondre, elles voltigent autour d’eux et se posent sur les mottes de terre avoisinantes. Si l’on regarde attentivement, on est tout étonné de les voir surgir tout à coup là où leur présence n’était pas supposable, et l’on est encore plus surpris de les voir sortir des fissures du sol. Fouillant la terre, on met à découvert les grappes d’œufs des criquets, et sur ces œufs, la loupe aidant, on trouve des œufs minuscules que la forme et la structure feront reconnaître pour des œufs de mouches.

Les Idia sont capables de pénétrer dans les terres fortes pour y stériliser les œufs des sauterelles, mais elles sont impuissantes à travers les sols légers et sablonneux ; d’où deux déductions importantes. Si les Idia peuvent détruire totalement les pontes des criquets pèlerins déposées dans les terres fortes, elles ne s’attaquent jamais à celles enfouies dans les sables ; cela explique le choix que l’Acridium peregrinum fait, pour y effectuer le dépôt de ses œufs, des terrains légers et frais : lits de rivières, et dunes des bords de la mer. D’autre part, le parasitisme exerçant sa puissance sur les pontes confiées aux terres fortes qui sont cultivées de préférence, il y a le plus grand intérêt à surveiller les

  1. First animal Report of the United States entomological Commission for the year 1877, relating to the Rocky Mountain Locust. Washington, 1878.