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heurter la fermeture de la coque ovigère, elle s’arc-boute et, solidement fixée par les deux pointes terminales de l’abdomen et par ses huit rangées d’épines, elle imprime, à l’aide de ses muscles du thorax, un très rapide mouvement de va-et-vient à sa région céphalothoracique. Ses outils entrent en jeu ; les deux longues pointes frontales entament d’abord l’obstacle, les quatre longues pointes oculaires l’attaquent ensuite ; les trois petites pointes de la face le râpent à leur tour, et, pour conclure, de faibles mouvemens permettent à ces dernières d’arrondir l’orifice du trou de sortie.

On a constaté qu’une nymphe d’anthrax peut percer, dans une feuille de papier en la pulvérisant, des trous ronds sans trace de bavure. Arrivée à la lumière, elle perd complètement sa motilité si puissante quand elle est prisonnière, et, quelques jours après, donne naissance à l’insecte adulte.

L’innombrable famille des muscides fournit son contingent d’ennemis. Des mouches s’attaquent les unes aux insectes eux-mêmes, les autres aux œufs qu’ils déposent dans le sol ; non contentes de jouer un rôle bienfaisant en contribuant pour une large part à arrêter la multiplication des acridiens, elles offrent des particularités biologiques et des attributions physiologiques que nous ne pouvons que résumer.

Lors de la grande invasion des criquets pèlerins en 1866, l’existence de larves de mouches dans un certain nombre de ces insectes fut si considérable, que le général de division commandant la province d’Alger, de Wimpffen, crut devoir en faire la remarque par dépêche au gouverneur de l’Algérie, maréchal de Mac-Mahon. En 1889 et 1890, partout où les bandes de criquets marocains échappaient à la destruction, on remarquait que de nombreux individus se traînaient au milieu des chaumes sans avoir pu suivre leurs compagnons dont les vols parcouraient l’espace. Ils étaient infectés d’une ou de plusieurs larves de la Sarcophaga clatharata, une mouche fort répandue en Algérie.

Les mœurs de mouches devenues adultes méritent d’être connues. Vivipares, elles suivent les bandes de criquets en les harcelant sans cesse. Pourquoi ? Si on s’arme de patience, on peut parfois surprendre une femelle introduisant son oviducte recourbé dans le dos de la victime qu’elle a choisie pour y déposer une petite larve aux anneaux postérieurs armés d’une rangée de spinules, qui saura s’ouvrir une voie pour pénétrer dans le corps de l’insecte devant lui fournir le gîte et le couvert. Le dépôt de cette larve, dans le corps d’une sauterelle marocaine, suffit pour supprimer en elle la locomotion aérienne et les facultés génésiques. Lorsque nous aurons dit quelques mots d’une élégante