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sur une face, près du bord supérieur, une bande de toile cirée de 0m, 10 à 0"‘, le qui oppose un obstacle infranchissable aux criquets, les griffes et les pelotes adhésives de leurs pattes ne pouvant avoir prise sur cette surface lisse. Les toiles sont attachées à dix-neuf piquets placés à des distances régulières et suspendues à une corde qui relie les piquets entre eux pour assurer la stabilité de l’ensemble.

Les criquets, d’eux-mêmes ou poussés pur des rabatteurs, rencontrant les appareils qu’il est avantageux de placer en V, les escaladent rapidement ; mais, arrêtés par la toile cirée, ils entament une lutte désespérée ; épuisés, ils se laissent choir au pied des toiles et viennent, de gré ou de force, tomber dans les trous creusés sous leurs pas de distance en distance le long des barrages. Ces trous sont des fosses rectangulaires, plus ou moins profondes, selon l’âge des criquets, sur le bord desquelles on adapte des feuilles de zinc de 25 centimètres de largeur, et qu’on assujettit à l’aide de courts piquets passant par des trous forés d’avance ; ces feuilles, qui doivent être bien nettoyées en dessus pour offrir des surfaces polies, non seulement sont inclinées en dedans pour favoriser le glissement des criquets, mais encore sont disposées de façon à dominer les fosses afin d’en empêcher les prisonniers d’user de leur agilité pour s’échapper d’un bond rapide. Les fosses à moitié remplies, un ou deux Arabes s’y jettent et de leurs pieds nus écrasent avec rage les infortunés criquets, en les vouant au nom d’Allah à toutes les malédictions ; les ravageurs d’hier ne seront bientôt plus qu’une boue hideuse, exhalant une odeur nauséabonde que la putréfaction rendra demain intolérable.


VI

En attendant le jour ardemment souhaité où se découvrirait le moyen de préserver l’Algérie du fléau, sinon entièrement, du moins d’en atténuer la violence, chacun s’ingéniait à utiliser soit comme engrais, appât de pêche ou produit alimentaire, les néfastes insectes.

J’ai goûté plusieurs fois, aux Philippines, à une friture de belles sauterelles, friture fortement épicée, et je n’en ressentis ni dégoût ni déplaisir. On a voulu souvent me persuader que je devais y avoir trouvé une saveur de crevettes, mais je n’ai pu y consentir. Leurs vols sont nombreux dans l’archipel en question, et beaucoup d’indigènes les utilisent en les mangeant. Dans l’extrême sud de l’Algérie, les indigènes en usent aussi comme d’alimens. Aux alentours de Touggourt, chaque tente, chaque