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le fait avec quelque restriction, bien qu’il s’attache à réfuter l’opinion de M. Riley[1].

Il ne restait plus qu’à savoir par quels moyens les acridiens chassaient leur sang dans l’ampoule. Des dissections répétées permirent à M. Künckel de découvrir que ces insectes usent d’un artifice tout à fait particulier pour diminuer la capacité de leur cavité générale ; ils remplissent leur jabot d’air au point de le distendre complètement ; des contractions musculaires, même peu énergiques, peuvent alors aisément chasser le sang dans l’ampoule cervicale. En possession de ce fait, il fut établi qu’à chaque nouvelle mue, et qu’au moment de la métamorphose complète, le jabot se remplissait d’air pour diminuer la capacité de la cavité générale ; que le sang venait toujours gonfler la région membraneuse, unissant en dessus la tête et le prothorax, région qui continue à jouer le rôle d’ampoule cervicale. Mais ici, les fonctions bien spéciales du jabot acquièrent une grande importance ; elles n’ont pas seulement pour but de permettre à l’acridien d’opérer à l’aide de son sang une pression destinée à rompre l’enveloppe tégumentaire ; elles lui donnent encore le moyen de disposer de son sang pour déplisser ses élytres et ses ailes.

De ces minutieuses recherches se dégagent ces conclusions :

1° Les acridiens rompent la coque de l’œuf et successivement à chaque mue jusqu’à la métamorphose, l’enveloppe tégumentaire dont ils doivent se débarrasser par la pression exercée à l’aide de la membrane unissant dorsalement la tête au prothorax qui se transforme par afflux du sang en une ampoule cervicale.

2° A tous les stades du développement les acridiens diminuent la capacité de leur cavité générale par l’introduction directe d’air par déglutition dans le tube digestif, principalement dans le jabot, afin de pouvoir refouler le sang, soit dans un appareil spécial, — l’ingénieuse ampoule cervicale, — soit dans les différentes régions du corps, notamment dans les élytres et les ailes.

C’est par un procédé analogue que les acridiens peuvent allonger leur abdomen et le transformer en un outil rigide capable de percer le sol ; pour effectuer leur ponte, ils remplissent leur tube digestif d’air, et le sang qui remplit leur cavité générale peut ainsi être refoulé dans cet abdomen. On ne saurait dire maintenant que ce sont les hommes qui ont inventé la pompe à air.

  1. A. S. Packard. Report on the Rocky Mountain Locust. Washington, 1877.