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de la population en France une pénible surprise à la lecture des clauses du traité. J’en ai recueilli l’impression tant en province qu’à Paris, tant parmi les cultivateurs et les ouvriers que parmi les négocians et les hommes des professions libérales.

Convenait-il d’abord de faire un traité ? Rédiger à l’avance, tout au moins deux ou trois mois d’avance, une série d’engagemens qu’un général imposerait au vaincu, était-ce bien la meilleure méthode de tirer de notre coûteuse victoire tout le parti possible ? Il faut toujours un accord consacré par écrit pour mettre fin à toute lutte, même entre un peuple civilisé et un peuple barbare. Mais cet accord peut revêtir différentes formes ; ce pouvait être un acte de soumission, ce pouvait être une convention et non un traité : les mots ont ici leur importance, car toutes les nuances en ont une dans les questions de ce genre. On eût fait une convention où le général Duchesne, au nom du gouvernement français, se fût engagé à maintenir à la reine Ranavalo tous ses honneurs et toutes ses dignités, à lui assurer une liste civile d’une somme déterminée, à s’aider du concours des autorités hovas pour l’administration de l’île : il n’y a aucun doute qu’une convention de ce genre eût été acceptée par la reine, au point où en étaient ses affaires. Cette convention eût été, certes, bien préférable au traité. Si l’on avait voulu faire un traité à proprement parler, encore le général en chef du corps expéditionnaire eût-il dû avoir mission de poser seulement des préliminaires. Le général Bonaparte était certes un victorieux : ce ne furent pourtant que des préliminaires qu’il signa à Léoben.

Il est manifeste que le dernier cabinet a prévu les inconvéniens d’un traité aussi rapidement conclu ; il a été stipulé que ce traité ne serait valable qu’après l’approbation des Chambres. Les Chambres ont le droit, soit de l’approuver, soit de le rejeter, soit d’en amender le texte, sous la réserve que les Hovas donnent leur consentement aux modifications introduites, soit de le compléter et de l’expliquer par une déclaration et un commentaire.

Entre ces diverses solutions, quel est le parti le plus sage et le plus prévoyant ? Pour répondre à cette question, il faut rechercher le sens du traité. Les clauses en sont en partie fort claires, en partie fort obscures. Quant au droit de contrôle et même de direction du gouvernement français sur l’administration intérieure, elles sont suffisamment claires et précises. Quant au statut personnel de nos nationaux dans l’île, quant à l’assimilation des produits français aux produits malgaches, quant à l’impossibilité pour les gouvernemens étrangers d’invoquer à notre encontre la clause de la nation la plus favorisée, comme elles s’en