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la poste était chère, on appelait des occasions. Cicéron confiait souvent les siennes aux messagers des publicains. Ces grandes sociétés financières, qui levaient l’impôt dans les provinces, étaient forcées de communiquer souvent avec Rome, où résidaient les chefs de la compagnie ; elles entretenaient donc un certain nombre de messagers, qui étaient sans cesse sur les routes. Comme Cicéron était l’ami de ces sociétés et leur avocat ordinaire, elles étaient heureuses de lui être utiles. Quand cette ressource lui manquait, il fallait bien qu’il eût recours à des moyens moins sûrs : il écrivait à son affranchi Tiron, qu’il avait laissé malade à Patras et dont il voulait savoir des nouvelles, d’envoyer tous les matins quelqu’un sur le port qui s’informerait des gens qui partaient pour Rome et leur remettrait des lettres pour lui. Malheureusement les gens qui paraissent s’en charger le plus volontiers ne sont pas toujours exacts à les remettre ; ils tardent à les rendre, et quelquefois même ils les perdent ou les gardent. Que de lettres attendues avec impatience et qui apportaient d’importantes nouvelles ne sont jamais arrivées à leur adresse !

Il fallait au moins préserver de ce sort les dépêches officielles. Dans un État bien gouverné, les communications entre le maître et ceux qui le servent doivent être rapides et sûres. Que devenait l’Empire si le prince ne pouvait pas faire parvenir ses ordres, quand il en était besoin, aux gouverneurs de provinces et aux chefs d’armée ? C’est ce qui amena Auguste à créer la poste[1]. Cette institution fut perfectionnée par ses successeurs ; sous les derniers Césars, elle fonctionnait avec une admirable régularité. Le long des grandes routes militaires, on avait disposé des relais (stationes), et, de temps en temps, des gîtes (mansiones) où l’on pouvait trouver de quoi se loger et se nourrir. Les relais contenaient des chevaux et des mules, qu’un service de remonte renouvelait par quart tous les ans, des voitures à deux et à quatre roues, toutes construites sur le même modèle, et un personnel de postillons, de charrons, de vétérinaires, d’employés de toute sorte dont le code Théodosien détermine les attributions. A côté de ces chars légers qui amenaient en quelques jours le voyageur dans les pays les plus lointains, on avait préparé des chariots plus lourds pour voiturer les impôts en nature que fournissaient les provinces et porter les approvisionnemens aux

  1. Il y avait quelques élémens de cette institution sous la République. Les villes étaient tenues de loger les fonctionnaires romains qui se rendaient à leur poste, et de leur fournir des voitures et des chevaux. Cette obligation fut le point de départ et le principe de la création d’Auguste. C’étaient les villes situées sur le passage de la poste qui devaient faire les frais des chevaux et des voitures. De cette façon, la poste ne coûtait rien à l’État, mais elle devint, pour les municipes, un de ces lourds impôts sous lesquels ils succombèrent.