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ces fosses a livré des figurines d’ivoire qui paraissent avoir joué ce même rôle.

Là où c’est le rite de l’incinération qui a été employé, le mobilier garde le même caractère que dans les tombes à incinération. La fosse est pareille, et on y a disposé tout un assortiment des mêmes vases. Il n’y a qu’une différence : les os calcinés sont renfermés dans une urne île bronze, parfois portée sur un trépied.

C’est surtout par sa partie extérieure que la tombe du Dipylon se distingue de la tombe mycénienne. Elle aussi, elle se recommande, par un signe visible, à l’attention et à la piété des sur vivans ; mais, ici, ce signe n’a été ni comme sous les murs de Troie, le tumulus dressé au-dessus de la cavité où repose la dépouille mortelle, ni la stèle lapidaire de Mycènes. Pour perpétuer la mémoire du défunt, on n’a pas fait appel au ciseau du sculpteur ; il semble que la sculpture fût alors tombée trop bas pour que l’on songeât à en réclamer le concours. L’art qui avait le moins souffert de l’appauvrissement du monde grec et du ralentissement de l’activité industrielle, pendant la période troublée qui suivit l’invasion dorienne, c’était celui du potier. Les besoins auxquels il avait à donner satisfaction étaient trop variés pour que son tour et son pinceau aient jamais chômé, même pendant les heures de lutte et de détresse. Cette supériorité relative du céramiste suggéra l’idée de lui demander le monument qui formerait la portion apparente de la sépulture. La terre cuite remplaça ainsi la pierre ciselée ; ce fut un vase d’argile qui, le plus souvent, servit de cippe.

On dressa donc sur la tombe de grands vases, fabriqués tout exprès pour remplir cette fonction, qui comptent parmi les ouvrages les plus curieux et les plus considérables de la céramique grecque. Ils avaient la forme d’une amphore ou d’un cratère, et présentaient des dimensions inusitées. On en a reconstitué qui atteignaient jusqu’à 1m, 60 et 1m, 80 de haut. Le pied en était enterré dans le creux qui existait au-dessus du plafond de la fosse, ce qui leur donnait de l’assiette. Les parois, très épaisses, n’étaient pas à la merci d’un choc accidentel et léger. Pour les rompre, il fallait les battre à coups de pierre ou de marteau, et ce danger n’était pas à craindre, tant que la piété des descendans veillait sur la sépulture des aïeux.

Ce qui fait d’ailleurs surtout l’intérêt de ces vases, ce sont les peintures qui les décorent. Le dessin a beau être d’une gaucherie singulière ; on saisit aisément le sens des tableaux qui se développent sur le col et la panse de ces vases, tableaux dont le thème a été fourni par la cérémonie même des funérailles. Cette