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demanda au jury s’il se croyait assez complètement éclairé par les témoignages produits. Il fit observer que l’on n’avait pas cité tous les témoins que l’on aurait dû appeler et que parmi ceux qui avaient déposé, seuls, Klingensmith et White avaient eu à répondre sur les faits qui s’étaient déroulés sous leurs yeux, comme sur ce qu’ils avaient dit et ouï dire avant de se rendre aux Mountain Meadows, pendant qu’ils s’y trouvaient et postérieurement. Les autres personnes entendues avaient été invitées à se borner à la narration des faits, soit que, témoins cités par le ministère public, elles eussent eu à subir un interrogatoire contradictoire dirigé par la défense, soit qu’elles eussent été citées par celle-ci. Et malgré cela, il n’avait pas été possible de prouver qu’il y eût eu, entre les gens incriminés, une entente ayant un autre but que de sauver les émigrans qui avaient survécu et d’enterrer les morts. Il fit remarquer que l’attaque, à la suite de laquelle le convoi s’était couvert par un retranchement, était survenue inopinément du fait des Indiens; puis, essayant toujours de mettre en cause ceux qui se trouvaient nommés dans l’acte d’accusation, il constata que tous n’étaient pas venus de la même localité, qu’ils ne campaient pas tous ensemble, et prétendit en tirer la preuve qu’ils n’avaient pu se concerter. Il montra les Indiens disparus le jour où les Arkansais se confièrent aux Mormons et, à l’insu de ceux-ci, placés en embuscade. Il demanda où était la preuve que Lee eût conçu le plan abominable dont on l’accusait, et affirma que les Mormons avaient été aussi surpris que les émigrans par l’agression soudaine des Peaux-Rouges. Lee, d’ailleurs, était avec la tête du convoi, à ce moment; il n’avait rien pu voir et s’était hâté de mettre les enfans à l’abri. Puis l’orateur chercha à prouver le peu de confiance que devaient s’inspirer les confessions de Philipp Klingensmith et de Joël White qui, de leur propre aveu, avaient pris part au massacre ; il s’efforça de montrer que de nombreuses divergences s’étaient produites dans les dépositions relatives aux ordres qu’on prétendait avoir été donnés par Lee et à la formation des Mormons marchant en file avec les émigrans. Il conclut en disant que seuls, exaspérés contre les Arkansais qui avaient empoisonné les viandes laissées derrière eux et l’eau des rivières, les Indiens étaient les auteurs du massacre ; que les Mormons n’étaient accourus que pour essayer de s’interposer; qu’après la capitulation négociée par Lee, ils avaient cru que les Indiens s’étaient rendus à leurs prières, mais que traîtres, comme toujours, les Peaux-Rouges s’étaient rués sur les émigrans qui défilaient devant eux désarmés; que, par son courage et son adresse, Lee avait réussi à sauver les enfans et que ce qui avait pu être arraché aux Indiens,