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deux ans au moins, soit d’une inscription au grand-livre de la dette publique, soit d’un carnet de rente belge à la caisse d’épargne, d’au moins 100 francs de rente, la propriété de la femme étant comptée au mari, celle des enfans mineurs au père. C’est la double catégorie des électeurs pluraux à une voix supplémentaire. Et maintenant, ont deux voix de supplément : les citoyens âgés de 25 ans accomplis qui sont « porteurs d’un diplôme d’enseignement supérieur ou d’un certificat de fréquentation d’un cours complet d’enseignement moyen du degré supérieur », et ceux qui remplissent ou ont rempli une fonction publique, qui occupent ou ont occupé une position, qui exercent ou ont exercé une profession privée, lesquelles fonctions, positions ou professions, « impliquent la présomption que le titulaire possède au moins les connaissances de l’enseignement moyen du degré supérieur. » Nul ne peut cumuler plus de trois votes.

Telle est la formule belge du suffrage plural, où trouvent leur place à peu près tous les élémens possibles de pluralité, qui n’est pas en soi anti-démocratique, qui ne constitue à la fortune aucun avantage sans compensation, sans rachat par d’autres conditions ; qui met au-dessus du reste l’instruction ou la fonction ; — formule capacitaire plutôt que censitaire, — qui s’arrête à 3 voix, ne va ni à 100 ni même à 25, et qui n’en est pas moins arbitraire pourtant et qui n’en a pas moins le caractère d’une combinaison. En premier lieu, ne graduant le suffrage que d’un à trois, elle est théoriquement inférieure à la formule qui le gradue de un à vingt-cinq, — parce qu’elle ne saisit pas, ne serre pas et ne traduit pas par autant d’inégalités électorales autant d’inégalités naturelles ou sociales. Ensuite, elle n’est pas moins arbitraire, car pourquoi trois votes au maximum ? pourquoi une voix à l’âge et une à la propriété ? pourquoi deux voix à l’instruction et à la fonction ? pourquoi 35 ans ? pourquoi 5 francs de cote personnelle ? pourquoi 2 000 francs de fortune en immeubles ? pourquoi 100 francs de rente ? pourquoi l’enseignement moyen du degré supérieur ? Tout est parfaitement arbitraire, et ce serait 45 ans au lieu de 35, 10 francs au lieu de 5 francs, 4 000 francs au lieu de 2 000, 200 francs de rente au lieu de 100, et l’enseignement supérieur seul, que le régime n’en serait pas changé : il n’y aurait de changé que ses effets politiques, et c’est en cela que se décèle son caractère de pure combinaison.

Suivant que l’on veut obtenir tel ou tel effet politique, on hausse ou l’on baisse la mire, mais c’est toujours l’effet le plus prochain, l’effet immédiat que l’on vise. La revision belge en eût fait la démonstration, si d’aventure elle eût été à faire. On ose dire que, dans la préparation et la discussion des lois