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la dominante. Sous le rapport psychologique comme sous le rapport ethnique, les « fatalités » de notre race, qui, prétend-on, pèseraient de plus en plus sur nous, ne sont donc qu’un mot.


II

Si nous réunissons et classons ce que les anciens nous disent des Gaulois, nous y verrons la confirmation des données concordantes de l’anthropologie et de la psychologie, ainsi que le contraste des prétendus Latins de France avec les vrais Latins d’Italie ou avec les Germains purs.

Nous ne sommes plus au temps où Hume écrivait : « Voulez-vous connaître les Grecs et les Romains, étudiez les Anglais et les Français ; les hommes décrits par Tacite et Polybe ressemblent aux hommes qui nous entourent. » Quand Hume invoquait Tacite, Polybe et César pour prétendre que l’homme est partout le même, il ne remarquait pas que les peuples dépeints par ces historiens offrent déjà les plus frappans contrastes : chacun avait déjà, avec ses qualités propres, des défauts qui eussent pu faire croire à une décadence, quand ce n’était qu’un commencement. Tacite nous décrit les Germains, grands corps blancs, flegmatiques, avec des yeux bleus farouches et des cheveux rougeâtres, — force herculéenne, estomacs voraces, repus de viande et de fromage, réchauffés par des liqueurs fortes; — penchant à l’ivrognerie brutale et lourde, goût du jeu, tempérament froid, tardif pour l’amour, mœurs relativement pures (pour des sauvages), culte du foyer domestique, rudesse de manières, mais une certaine honnêteté; amour de la guerre et amour de la liberté, fidélité aux compagnons dans la vie et dans la mort, mais querelles sanglantes et haines héréditaires. Et Tacite fait sans doute des Germains une description quelque peu romanesque et romantique, avec la secrète intention de faire la leçon aux Romains; mais nous n’en reconnaissons pas moins dans son tableau cette race originale dont il a dit : propriam et sinceram et tantum sui similem gentem. C’est un tout autre portrait que celui où César nous peint les Gaulois, grands corps blancs, avec les mêmes yeux clairs et farouches, avec la même force physique, mais de race plus mêlée; au moral, « mobiles dans les conseils, amoureux des révolutions », se laissant, sur de faux bruits, emporter à des actions qu’ils regretteront ensuite, décidant par coup de tête des affaires les plus importantes; abattus par le premier revers comme ils ont été enflammés par la première victoire ; aussi prompts à entreprendre