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s’étonnait point de le trouver en rébellion contre les faits accomplis. Mais en 1878 on espérait qu’un pape moins obstiné permettrait à des catholiques d’entrer à Montecitorio, de négocier avec le gouvernement du roi, et de pratiquer, pour l’intérêt du pape, la politique du Do ut des. Léon XIII maintint le veto, et l’Europe devint d’autant plus attentive, qu’il le maintenait sans éclats de voix. Dix-sept ans ont passé, et le Vatican constate aujourd’hui — il aurait eu le droit d’en douter, tant il était blâmé ! — que son intransigeance, exclusivement inspirée, à l’origine, par des raisons de dignité, est devenue la plus habile des politiques. Dans les assemblées parlementaires, les catholiques sont toujours du parti de l’ordre ; siégeant à Montecitorio, on les y aurait donc vus, malgré eux et tour à tour, auxiliaires des droites contre la gauche constitutionnelle, de la gauche constitutionnelle contre les partis radicaux, et du gouvernement de fait, enfin, contre les révolutionnaires. Ils auraient gaspillé leurs paroles sans profit pour l’ordre ancien, et leurs votes au profit de l’ordre nouveau. Continuant, au nom de Sa Sainteté, à faire d’expresses réserves sur l’occupation de Rome, ils n’auraient pu demander à Sa Majesté la récompense de leurs services. Devant le pays, en revanche, ils auraient eu la responsabilité qu’on assume lorsqu’on possède, dans une Chambre, une force numérique, et qu’on s’en sert. Monarchistes sans le vouloir et presque sans le savoir, ils auraient remorqué, sans jamais y monter, le char du jeune gouvernement. Par leurs votes, enfin, ils auraient, en telles circonstances, consolidé tels ministres, aujourd’hui répudiés par les honnêtes gens ou tout au moins éclaboussés ; il pâtiraient eux-mêmes de ces éclaboussures.

« Ils ont en général, au contraire, observé le mot d’ordre : Nè eleggibili nè elettori. Le résultat, le voici. D’une part, à l’heure présente, les chefs de partis qui manœuvrent à Montecitorio ont perdu la confiance populaire ; ils rejettent les uns sur les autres les fautes commises ; on a fait certains procès scandaleux ; chose pire encore, il en est d’autres qu’on n’a pas faits ; il y a un grand déchet de politiciens, et une usure, non moins grande, de ceux qui ont échappé au déchet. Vous apercevez, d’autre part, une fraction populaire, demeurée vierge, insoupçonnée, inattaquable, parce qu’elle ne fut jamais une fraction parlementaire ; ce sont les catholiques. L’état des finances, l’insécurité des expéditions africaines, la disgrâce des vins siciliens, la mévente des soufres sur le marché de l’univers, tout cela est inscrit par la malveillance publique au passif de M. Crispi, homme providentiel, que l’on rend naturellement responsable, non seulement de ses erreurs,