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qui leur permettait, presque au même moment, de s’affirmer et de se nier, de régner et de se cacher. On ne savait point au juste si l’on avait affaire, en elles, à quelque puissance légendaire dans laquelle l’imagination dévote se serait plu à incarner Satan, ou bien à un nouveau facteur de l’histoire. L’attitude qu’elles ont prise aux fêtes anniversaires du 20 septembre demeurera, pour la seconde opinion, un argument des plus sérieux. Déjà, il y a deux ans, l’un des étages du palais Borghèse, vieille résidence de famille papaline, avait été loué, avec fracas, par la maçonnerie italienne, heureuse d’affirmer la « désaffectation » définitive de la Rome papale.

On dit qu’à certaines minutes les bannières des sectes portèrent ombrage aux bannières des vieilles bandes garibaldiennes, bien que depuis longtemps les unes et les autres soient accoutumées à dialoguer. Dans la presse italienne, on a pu remarquer des divergences notables dans la façon d’interpréter les fêtes ; les deux interprétations pourraient être exactement symbolisées par les deux catégories de bannières.

On lisait dans le Popolo Romano, au matin du 20 septembre : « D’autres aujourd’hui célébreront la chute du gouvernement sacerdotal, la victoire de la libre raison ; nous préférons nous tenir sur un terrain plus pratique et plus positif; nous célébrons l’Italie une avec Rome capitale, et le roi que la nation, avec des sentimens unanimes, a proclamé le premier gentilhomme d’Italie. » Les organes du parti conservateur faisaient entendre une note analogue ; ils insistaient sur la portée patriotique des fêtes. M. le marquis di Rudini avait exprimé la crainte que la pacification religieuse ne fût troublée par l’anniversaire du 20 septembre ; et la presse qu’il inspire mérite ce témoignage, qu’elle s’est discrètement renfermée dans un domaine « pratique et positif ».

Mais cette presse est minorité, à Rome; dans la majorité des journaux, théories et négations s’épanouissaient. « Ce n’est pas seulement l’unité de l’Italie qu’on célèbre, écrivait la Tribuna : c’est l’émancipation de la conscience humaine, c’est la liberté de la pensée, dans leur triomphe, qui sont aujourd’hui saluées sur les cimes du Janicule et à la Porte Pie. » Le Messaggero faisait écho : « L’Italie n’est point entrée à Rome, au prix de tant de sacrifices, pour une simple question de territoire, mais pour démolir cette grande expression du règne de la foi par la force : la papauté politique. En ce jour solennel, invoquons le génie de Rome ouvert à l’atmosphère de la vie nouvelle, à une atmosphère ravivée par le souffle moderne de la forte et libre vie populaire, et inclinons-nous devant la fatidique brèche, qui est le monument le plus grandiose parmi ceux qui se sont élevés au XIXe siècle. » J’ai