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du home : liberté, aisance, calme. Les souverains sont accourus où ils croyaient que les appelait leur devoir; les collatéraux ont préféré la villégiature piémontaise.

Un instant, voilà trois mois environ, certains journaux avaient espéré la venue de Guillaume II. D’autres observèrent, peut-être après qu’on eut pressenti Berlin, que l’hôte impérial serait de trop; on se consola de son absence, élégamment, en cherchant des raisons posthumes de la désirer, et on les trouva. Quiconque est un peu familier avec la presse républicaine de l’Italie connaît ces formules simplistes qui gravent pour longtemps, dans l’esprit des masses, les demi-vraisemblances — demi-mensonges aussi — dont est faite la politique quotidienne : c’est un dogme, pour les croyans de cette presse, que le roi est vassal de son ministre, vassal lui-même de Berlin. Pour le respect que mérite la dynastie, c’est déjà trop que la caricature ait traduit cette conception ; il ne fallait point que la photographie s’en mêlât en fixant de nouveau sur la même plaque Guillaume II et Humbert Ier. La mauvaise foi des partis hostiles eût interprété les préséances, accordées à l’impérial visiteur par un roi toujours courtois, comme des marques d’effacement. Joignez à cela que, pour les Romains, un empereur reste quelque chose de plus qu’un roi : vieille notion qu’on tient des ancêtres et qu’on mettra longtemps à oublier. Italia farà da se, avait dit l’héroïque Charles-Albert, en une de ces phrases qui illuminent l’histoire parce qu’elles la créent; sous l’action de ce verbe, l’Italie contemporaine s’éveilla. A l’approche des fêtes de la puberté, on a dit de même, à la Consulta : Italia festeggierà da se; le geste était noble, et digne d’un État qui tient à grandir, et plus encore à se grandir.

Les ambassades ont fait comme l’empereur d’Allemagne ; elles ont ignoré la fête. Il est à croire que, pour la chancellerie française, la part qui devait être prise à ces solennités ne fut point l’objet d’un long débat. « Après Sedan, les destins étaient accomplis, la poire était mûre, elle tomba. » C’est M. Giosuè Carducci en personne, l’illustre poète italien, qui commémorait ainsi, récemment, la brèche de la Porte Pie. Il parlait exactement : elle fut le corollaire d’une autre brèche, celle des Ardennes, en même temps que la violation d’une promesse donnée à la France. Toute considération religieuse négligée, la France n’avait point à célébrer une « victoire » édifiée sur ses défaites.

Dans la presse italienne, on avait annoncé que les pays catholiques et les pays protestans se comporteraient diversement ; que les premiers s’abstiendraient de faire pavoiser; que les seconds, au contraire, s’associeraient aux liesses romaines. Seule l’ambassade d’Angleterre, proche de la Porte Pie, amis ses drapeaux. Plusieurs