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Certaines des mesures prescrites nous sembleraient aujourd’hui légèrement entachées de socialisme. C’est ainsi qu’au besoin il ordonnait aux riches de nourrir les pauvres.

Des barrières établies aux cols des montagnes ou sur la frontière des provinces étaient destinées à empêcher les paysans de déserter leur village. Ces désertions d’ailleurs exposaient leurs auteurs à la peine de l’esclavage. Enfin mentionnons une coutume qui devait contribuer à les rendre plus rares : nous voulons parler d’une espèce de solidarité sui generis que la loi et les mœurs avaient créée entre les familles. Elles devaient se grouper par quatre ou cinq sous la direction d’un chef qu’elles choisissaient avec l’approbation du gouvernement. Chacun des membres du groupe était civilement et même pénalement responsable des fautes de tous les autres. On conçoit qu’il y avait là un système de surveillance réciproque et de police gratuite fort ingénieux.

L’esclavage était appliqué comme peine et les parens vendaient parfois leurs enfans. Mais pour se faire une idée de la condition des esclaves, il faut chercher des analogies dans les premiers temps de la République romaine. De même race que son maître, l’esclave japonais était une sorte de domestique, vivant dans la maison avec la femme et les enfans, presque un membre de la famille.

Les infractions à la loi sont, dans le code criminel de Mommou-Tenno, l’objet d’une longue et minutieuse énumération. Il classe à part sous le nom de crimes atroces un certain nombre d’entre elles qui semblent avoir pour caractère commun d’impliquer une sorte de sacrilège : la destruction des temples, le vol d’objets sacrés, les complots contre l’empereur ou sa famille, le meurtre d’un ascendant ou d’un professeur par son élève, etc. — Il institue cinq peines : les verges, la bastonnade, les travaux forcés, la déportation et la mort. Chacune d’elles comporte d’ailleurs un certain nombre de degrés. Il permet, sauf dans quelques cas, la conversion des peines corporelles en peines pécuniaires, d’après un tarif rigoureusement fixé. Mais ce n’est pas la composition des lois barbares. Loin que la famille de la victime reçoive le prix du sang, il lui est sévèrement interdit de pactiser avec le coupable. A l’administration seule appartient le droit d’accorder ou de refuser la conversion.

Les mesures d’instruction prescrites par ce code marquent un progrès sensible sur ce qu’on connaît de la législation antérieure. Les épreuves par l’eau et le feu ont disparu. La torture subsiste, mais sans tous les raffinemens de cruauté qui avaient été imaginés auparavant. La dénonciation est déclarée obligatoire ; mais les