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L’avis était sage, mais peu propre à encourager le malheureux. Ces expériences, telles quelles, ont-elles eu lieu? Nulle trace ne s’en retrouve dans les archives et les papiers d’alors.

Privé de toutes ressources et réduit à « mettre ses machines dans le coin de sa pauvre cheminée », Papin paraît avoir quitté Londres en 1712 et être retourné en Hollande, puis en Allemagne. En 1714, il se trouvait à Cassel, d’après la correspondance de Leibnitz, où ce dernier le recommande encore à un ami, en disant « qu’il a un mérite qui certainement n’est pas ordinaire. » C’est la dernière trace que l’on ait de Papin, qui s’éteignit dans l’oubli. Son asile suprême est inconnu, ainsi que la date de sa mort.

Parlons maintenant des compensations posthumes que lui réservait la destinée : je veux dire l’invention qui a perpétué sa mémoire, la machine à vapeur.


III. — LA MACHINE A VAPEUR

Le souffle de l’air, dit Aristote, provient de l’action combinée du sec et de l’humide. L’élément liquide infiltré dans la terre, et réchauffé par le soleil et par le feu interne, produit les tremblemens de terre. Sénèque explique de même ceux-ci par l’action de la vapeur des eaux bouillonnantes, échauffées par le foyer souterrain. Ces idées générales furent traduites en expériences par les physiciens grecs d’Alexandrie, dont les œuvres sur ce point nous sont parvenues, compilées par Héron d’Alexandrie dans le traité des Pneumatiques. Il y démontre entre autres l’existence réelle de l’air par une expérience. En submergeant un vase à orifice renversé, l’eau n’y pénètre pas; mais si l’on perce un trou dans la partie supérieure, l’eau remplit le vase et l’air s’échappe, en produisant un souffle facile à percevoir.

Soumet-on l’eau à l’action du feu, dit encore Héron, elle se change en air, — en gaz, pour nous, — et ce changement, se renouvelant sans cesse par l’action du feu, détermine les mêmes mouvemens que les fluides atmosphériques.

De là deux expériences : l’une consiste à faire danser une boule légère placée sur l’orifice étroit d’une chaudière; l’autre, à faire tourner une boule creuse, dans l’axe de laquelle pénètre un courant de vapeur d’eau, qui s’échappe par deux tubes, fixés sur l’équateur de la boule et recourbés à angle droit, en sens inverse l’un de l’autre. C’est le premier appareil (éolipyle) fondé sur la force motrice de la vapeur d’eau qui soit connu.

Héron en décrit beaucoup d’autres, où le mouvement est produit, tantôt par la compression de l’air, développée en vase clos par une introduction d’eau ; tantôt par la dilatation de l’air échauffé,