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Toutefois, en raison même de cette variété perpétuelle de projets nouveaux, pareils à des bulles de savon, qui montent sans cesse briller et crever à la surface de l’eau, l’inventeur ne réussissait guère à se concilier la confiance de ses protecteurs, au degré qu’il fallait pour obtenir les fonds nécessaires à la réalisation de ses propositions : il s’en plaint même, non sans amertume, à l’occasion de la construction des machines destinées à élever l’eau de la Fulda dans un réservoir, pour l’arrosage des jardins du landgrave de Hesse, à Cassel. Plus tard il s’en prend, comme tous les inventeurs, aux ennemis réels ou supposés qu’il avait suscités. « J’ai lieu de croire que mes ennemis ont encore prévalu », écrivait-il en 1707.

Citons encore quelques-uns de ses projets : il propose des appareils soufflans, propres à entretenir la flamme sous l’eau, ou bien encore à alimenter la cloche à plongeur et les bateaux sous-marins, à ventiler les mines, à évaporer l’eau des salines, à fondre le fer et le verre dans les fourneaux ; des appareils fumivores, utilisant la combustion de la fumée; un procédé pour la conservation des légumes par l’esprit de soufre (acide sulfureux) ; la fabrication d’une serrure à secrets; des horloges perfectionnées, réminiscence des travaux qu’il avait faits autrefois avec son vieux maître Huygens; des chambres à air comprimé, pour y étudier la vie des animaux et des plantes et pour traiter les maladies, — idée reprise de nos jours; — des lits à sommiers et matelas remplis d’air, au lieu de plumes, — Leibnitz lui commanda même des coussins de ce genre pour sa voiture ; — une disposition pour déterminer la fulmination de l’eau projetée sur une plaque de fer rouge, en la frappant au moyen d’un marteau — ce qui répondait sans doute à quelque expérience mal comprise, relative à l’état sphéroïdal.

L’une de ses idées les plus funestes fut celle d’un canon à vapeur pour lancer des projectiles, canon dont l’explosion détruisit son atelier, fit périr plusieurs hommes, et détermina sa disgrâce auprès de son protecteur, le landgrave de Hesse, qui avait failli être enveloppé dans la catastrophe.

Au lieu de s’attacher avec persévérance à la réalisation complète de quelqu’une de ces idées, comme il l’avait fait pour son digesteur, Papin passait sans cesse de l’une à l’autre : ce qui devait à la longue lui faire perdre tout crédit, aucun de ses projets n’aboutissant.

La plupart même n’avaient rien d’original, étant agités également par d’autres inventeurs contemporains. Plusieurs des problèmes qu’ils prétendaient avoir résolus dès la fin du XVIIe siècle, sont venus jusqu’à notre temps et ils continuent à faire l’objet