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qu’il a le plus complètement étudié et réalisé; son origine vient d’une idée de Boyle, l’un des maîtres de Papin. Mais c’est ce dernier qui lui a donné sa forme et son véritable caractère. La publication de sa description eut lieu d’abord en Angleterre, en 1681, sous le titre suivant : A new digestor, or engine for softening bones, containing the description of its make and use in cookery, voyages at sea, confectionary making of drinks, etc. (London, 1681); puis, l’année suivante, en France, sous un titre un peu différent : La manière d’amollir les os et de faire cuire toutes sortes de viandes en fort peu de temps et à peu de frais. (Paris, 1682.)

Le « digesteur » de Papin a joué un rôle historique important, tant au point de vue pratique qu’au point de vue scientifique. Au point de vue pratique, il a été employé pendant le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe, conformément aux idées de l’inventeur, pour cuire les alimens et surtout pour extraire des os leur gélatine, destinée à servir de nourriture dans les hôpitaux. On avait même fondé sur son emploi toute une théorie chimico-physiologique de la digestion. Après un si long usage aux dépens de l’estomac des indigens et des malades, l’appareil eut un étrange retour de fortune; on s’avisa, il y a un demi-siècle, de contester les propriétés nutritives de la gélatine. Les expériences de Magendie et d’autres amenèrent à des conclusions négatives, et cette pratique du digesteur tomba. On l’a remplacé par la mise en œuvre des extraits de viande, faits à des températures bien plus basses, et dont l’emploi, tantôt efficace, tantôt illusoire, suivant les conditions de fabrication, a soulevé aussi bien des discussions.

La marmite de Papin n’est cependant pas restée dans l’oubli. Cet appareil est le premier type industriel de ceux où l’on opère au moyen d’une vapeur, sous une charge supérieure à la pression atmosphérique. Papin l’avait pourvu d’une disposition protectrice qui le caractérise et qui est restée dans toutes nos machines à vapeur : je veux parler de la soupape de sûreté, destinée à limiter la pression intérieure, de façon à prévenir les explosions. Reproduisons les paroles mêmes de l’auteur :

« Pour connaître la quantité de pression, on ajuste sur le couvercle une verge de fer, munie d’un poids glissant sur un anneau et portant sur une soupape garnie de papier, mise en communication par un étroit orifice avec le cylindre d’enveloppe. » Il calcule ensuite, d’après la longueur du bras de levier, la pression exercée sur la surface de la soupape. La limite de pression dans son appareil étant environ de 9 atmosphères, elle répondrait à une température voisine de 175° température à laquelle les matières