Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement ne l’avait jamais reconnu. Est-elle bien sûre que le consul d’Italie à Tunis ne s’adresse pas quotidiennement à notre résident, en sa qualité de ministre des affaires étrangères du bey, pour toutes les questions à régler entre les deux pays ? Il le fait, incontestablement ; il l’a fait dès le premier jour ; il le fait encore tous les jours : comment aurait-il été possible de reconnaître d’une manière plus formelle le traité du Bardo ? Mais c’est trop s’arrêter à des fantaisies.

On comprendrait l’irritation des journaux italiens si, après avoir dénoncé le traité de 1868, nous avions manifesté l’intention de ne pas en conclure un autre, mais nous n’en avons rien fait. Il s’agit de substituer à un traité vieilli et démodé un arrangement plus moderne, mieux en rapport avec les intérêts actuellement en présence. C’est une œuvre qui doit être poursuivie de part et d’autre amicalement et qu’il serait très imprudent de compromettre, avant même de l’avoir entamée, par les dispositions qu’on y apporterait. Pourquoi préjuger les nôtres, puisqu’on ne les a pas encore éprouvées ? Pourquoi dresser contre nous au plus vite toute une batterie de vieux traités, antérieurs à celui de 1868, mais qui en seraient, dit-on, indépendans, et qui devraient reprendre vie au moment où lui-même prendrait fin ? Pourquoi nous opposer d’un air de défi les capitulations, comme si on voulait nous obliger, pour nous délivrer de cette obsession, à précipiter l’annexion pure et simple de la Tunisie ? Rien n’est plus loin de notre pensée, et ne serait aujourd’hui encore plus prématuré : nous n’y songeons pas, qu’on ne nous y fasse pas songer. Vraiment, l’opinion italienne se montre à notre égard d’une étrange susceptibilité : elle part en guerre sans même se préoccuper de nous avoir compris. Elle paraît toujours croire à un mauvais sentiment de notre part, comme si elle avait besoin de justifier ceux qu’elle nous manifeste de la sienne. Qu’y a-t-il pourtant de plus légitime que le remaniement d’un régime douanier qui a duré près de trente ans ? Ce n’est d’ailleurs pas seulement avec l’Italie que la Tunisie a un traité de commerce : elle en a un aussi avec l’Angleterre, et il convient d’autant plus de réviser ce dernier qu’il est perpétuel. Peut-il y avoir rien de perpétuel ni d’immuable dans les rapports commerciaux de deux pays ? C’est donc une œuvre d’ensemble que nous avons à accomplir : elle a pu être ajournée jusqu’à l’expiration du traité italo-tunisien, mais elle ne saurait l’être davantage. Le moment est venu de l’aborder résolument, et l’Italie ne pourra que gagner à apporter dans cette étude un esprit aussi bienveillant que le nôtre. Pourquoi le traité à faire ne lui serait-il pas aussi favorable que le traité dénoncé ? A priori, rien ne s’y oppose. Des combinaisons diverses se présentent à l’esprit : nous rechercherons la meilleure, pourvu qu’on ne nous trouble pas dans cette recherche par des prétentions inadmissibles. Il est certain pour nous, que le régime du pro-