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n’avait point cru devoir fixer. En fait, c’est aujourd’hui cette jurisprudence qui fait la loi, puisque c’est elle qui règle l’application de celle-ci. Or, de par cette jurisprudence, le phosphate de chaux ne figure point dans les substances dont l’exploitation doit être soumise à la législation des mines, et partant, les exploitations qui en sont faites ne sont et ne peuvent être que de simples carrières.

Dans ces conditions, l’administration locale ne pouvait guère songer à appliquer aux exploitations de Tebessa une autre législation que celle des carrières.

Mais il faut évidemment reconnaître que l’application du régime des mines eût présenté d’incontestables avantages ; il eût, à coup sûr, rendu impossibles les faits regrettables que M. Pauliat a pu dénoncer à la tribune du Sénat. Le régime des mines, c’est en effet l’État choisissant librement ses concessionnaires et pouvant, par suite, exclure tous ceux qui ne lui paraissent pas présenter les garanties désirables. C’est l’exploitation exercée sous la surveillance de l’administration, dans les conditions et avec toutes les réserves qu’il plaît à l’État d’imposer dans l’acte de concession, mais, en même temps, avec toutes les facilités que la législation des mines donne aux concessionnaires pour tirer parti des richesses concédées. Le régime des carrières, c’est, au contraire, le propriétaire de la surface conservant tous ses droits, libre, par suite, d’exploiter à sa guise, par lui-même ou par ses ayans-cause, tous les gisemens que ses terrains peuvent contenir sans que l’administration ait à intervenir autrement que dans l’intérêt de la sécurité publique.

Aussi s’explique-t-on très bien que, dans l’intention d’assurer la bonne exploitation des phosphates algériens, le gouverneur général ait cru devoir proposer au gouvernement de les soumettre au régime des mines, sauf à ne consentir que des concessions temporaires. Il est à croire que le service des mines a eu de bonnes raisons à opposer à cette proposition. Elle a dû être abandonnée.

Il était cependant impossible de s’en tenir à l’application pure et simple du régime des carrières. Puisqu’on ne voulait point du régime des mines, la nécessité d’une réglementation spéciale s’imposait. C’est ce qu’a su comprendre le gouvernement. En vue de faire préciser les règles qui devaient constituer la réglementation nouvelle, il a fait appel à la compétence et aux lumières d’une commission interministérielle. Il l’a composée de manière à assurer à tous les intérêts engagés la représentation d’une indiscutable autorité[1].

  1. Cette commission comprenait :
    Pour le ministère de l’Intérieur, MM. Cambon, gouverneur de l’Algérie ; Mastier, directeur des affaires départementales et communales : Brouillet, chef du service de l’Algérie ;
    Pour le ministère des finances, MM. Pallain, directeur général des douanes, et Vuarnier, directeur général de la comptabilité publique ;
    Pour le ministère des Affaires étrangères, MM. Bompard, directeur des affaires commerciales et consulaires ; Pavillier, directeur des travaux publics de la régence de Tunis :
    Pour le ministère du Commerce, MM. Chandèze, directeur du commerce extérieur ;
    Pour le ministère de l’Agriculture, M. Tisserand, directeur de l’agriculture ;
    Pour le ministère des Travaux publics, MM. Guillain, directeur des routes, de la navigation et des mines ; Linder, président du conseil général des mines ; Aguillon, inspecteur général des mines.
    La Commission avait pour secrétaires-adjoints, avec voix consultative : MM. Bellom, ingénieur des mines, et Thiébault, attaché au cabinet du gouverneur général.