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préluda en cette occasion aux actions scélérates qui devaient rendre son nom célèbre en coopérant activement à la ruine de sa ville natale. Une bulle de Paul III nous apprend qu’il entra dans Home avec les premiers assaillans et qu’il n’en sortit chargé de dépouilles que pour continuer ses déprédations dans la campagne. Clément VII lança contre lui l’excommunication majeure, levée plus tard à la prière du cardinal. Comment l’homme assez fort pour se faire une part dans la curée aurait-il abandonné le palais de sa famille à la cupidité de ses compagnons de brigandage ? Il vaut mieux croire qu’il en fit momentanément un repaire où la bande qu’il dirigeait allait cacher le soir le fruit de ses rapines.

Mais si le palais Farnèse échappa de la sorte à la dévastation générale, il n’en resta pas moins inachevé. Quand le pontife et les cardinaux rentrèrent à Rome, la vie sociale n’existait pour ainsi dire plus. Les bourgeois et les artisans étaient ruinés, les artistes avaient fui dans toutes les directions. Les travaux furent donc nécessairement suspendus et, à défaut, de preuves, la vraisemblance autorise à penser qu’ils ne furent pas repris pendant le pontificat du pape Clément.

Jules de Médicis disparut sans laisser de regrets au cœur des Romains qui avaient si chaudement applaudi à son élection. Le pape avait, à son lit de mort, recommandé la candidature de son ancien rival du conclave de 1523, le cardinal Farnèse, dont il semblait que l’expérience fût seule capable de diriger la barque de l’apôtre dans la tourmente soulevée par la révolte de Luther. Le Sacré-Collège, à l’unanimité, ratifia le choix de Clément VII. Rarement élection fut plus populaire. Dans Alexandre Farnèse l’aristocratie saluait l’un des siens, le parent ou l’allié des Orsini, des Caetani, des Sforza. Le peuple acclamait le dépositaire des magnifiques traditions de Jules II et de Léon X.

L’attente des Romains ne fut pas trompée. A peine installé, Paul III montra par des actes significatifs qu’il entendait effacer les dernières traces du sac maudit. De grands travaux publics furent presque aussitôt entrepris. On publia des édits sévères contre les destructeurs des marbres antiques. Les artistes accoururent de tous les points de l’Italie à l’appel du pontife qui laissa voir du premier coup la hauteur de ses pensées et la sûreté de son jugement en ordonnant à Michel-Ange de peindre sans retard la fresque du Jugement dernier. Mais San Callo était depuis de longues années et devait rester jusqu’à sa mort l’artiste favori de Farnèse. Dans leurs relations régnait une familiarité touchante. Le cardinal avait tenu sur les fonts baptismaux la fille d’Antonio, et en écrivant au pape longtemps après, Antonio appelle encore