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jours qu’aux soins assidus qu’il recevait ; que de tant d’application, de tant d’efforts, de tant de sacrifices, il ne pouvait plus attendre aucune récompense personnelle, et que, s’il n’épargnait rien pour préparer et rapprocher le succès, c’était pour son fils, pour la monarchie elle-même et surtout pour la France, qu’il épuisait le reste de ses forces. On me permettra d’ajouter que je considère comme l’honneur de ma vie d’avoir été associé pendant trois ans à ce labeur désintéressé.

Les derniers jours de M. le Comte de Paris furent tristes. Je ne voudrais rien dire qui pût troubler l’âme de ceux qui ajoutèrent à ces tristesses, mais ici encore je dois la vérité. M. le Comte de Paris avait, en politique, l’esprit remarquablement large et intelligent des points de vue différens du sien. Il comprenait que la cause de la religion catholique et celle de la monarchie pussent et dussent même être séparées. Il n’avait jamais été partisan de ces alliances étroites qui, dans le passé de notre pays, n’ont jamais profité à la longue ni à l’un ni à l’autre pouvoir ; dans l’avenir, il considérait même la séparation des deux causes comme un bienfait. Mais, ce qu’il ne comprenait pas, c’était que, après s’être compromis au service de l’Eglise, après avoir défendu, pour ne point l’abandonner et par point d’honneur, des thèses souvent difficiles et impopulaires, les monarchistes fussent, du jour au lendemain, devenus l’ennemi, qu’ils se vissent dénoncés, poursuivis, parfois injuriés. Il comprenait encore que certains esprits un peu flottans, après avoir espéré en la monarchie, se fussent détournés d’elle au lendemain de l’insuccès, et demandassent à un autre régime ce qu’ils lui auraient demandé ; mais il ne comprenait pas que ceux qu’il avait reçus en familiers, et auxquels il avait donné sa confiance ne se crussent pas tenus au moins à la fidélité personnelle. Je dois dire cependant que, s’il se plaignait parfois de ces défections, je n’ai jamais entendu sortir de sa bouche une parole violente ni même amère. Son âme, de plus en plus chrétienne, savait bien que le pardon est la première vertu comme la dernière espérance du chrétien.

Les seules consolations que M. le Comte de Paris ait goûtées en ces dernières années lui vinrent des siens. Ce qu’a été pour lui M""" la Comtesse de Paris, je ne me permettrai pas de le dire. Mais il a joui surtout de deux choses : de voir grandir chez son fils, dont la fougue juvénile le charmait en l’inquiétant un peu, le respect, la confiance, la maturité, et de voir croître en intelligence et en solidité de jugement la princesse qui vient de recueillir, dans un pays étranger, les hommages auxquels sa beauté et sa grâce auraient eu droit dans son pays natal. J’aurais tort d’oublier ses deux plus jeunes filles, dont la sollicitude et la tendresse