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toutefois, ils reconnurent la souveraineté de la ville de Sienne et se mirent sous sa protection. Hommes de guerre avant tout, ils figurèrent dans la plupart des querelles que relève l’histoire de l’Italie centrale ; mais il est à remarquer qu’à de très rares exceptions près, ils ne mirent leur épée qu’au service du parti guelfe et de la cause du pontifical. — Dès 1218, un Ranuccio Farnèse organise la ligue contre l’empereur Frédéric II ; pour prix de ses services, les Florentins lui élèvent un monument dans l’église Santa-Maria del Fiore. Un autre Farnèse négocie, au commencement du XVe siècle, un accord entre le Saint-Siège et Stanislas, roi de Naples. Enfin paraît Ranuccio dit l’Ancien, le véritable ancêtre de la race. Capitaine de haute valeur, il prête successivement le concours de ses talens militaires aux Siennois et aux Florentins, puis il se range sous la bannière d’Eugène IV. Il bat les ennemis du pontife et reçoit en récompense, outre la rose d’or, le titre de chevalier et de citoyen romain. Les principaux traits de la vie de ce personnage sont retracés sur les murailles du palais Farnèse et du château de Caprarola. Devenu romain par adoption, Ranuccio obtint pour son fils Pier-Luigi l’Ancien la main de Giovanella Gaetani, fille d’Onorato, seigneur de Sermoneta, dont la famille avait donné deux papes à l’Église, Gélase II et le fameux Boniface VIII. C’est de cette union que naquit, le 28 février 1468, un enfant qui reçut le nom d’Alexandre et qui devait ceindre la tiare soixante-six ans plus tard sous celui de Paul III.

Dans notre Europe moderne, sans cesse agitée d’idées et de sensations nouvelles, chaque siècle a eu ses vertus favorites, chaque génération a réservé ses enthousiasmes pour certaines qualités du caractère, de l’esprit ou du cœur. Les Italiens de la Renaissance se formaient de l’individu un idéal qui différait essentiellement du nôtre. Ils prisaient avant tout les natures énergiques, supérieures, gouvernées par une volonté indomptable, servies par des facultés puissantes. Leur culte s’adressait sans partage au génie créateur, à celui surtout qui, semblant puiser à une source divine, se manifeste sous toutes les formes. Indifférens à la générosité et aux sentimens chevaleresques qu’ils considéraient comme des causes de faiblesse, ils réservaient leur admiration à l’ascendant qu’un homme exerce sur les autres hommes, et ils poussaient cette prévention si loin que le génie du mal avait infiniment plus d’attrait pour eux que les vertus banales. Artistes, d’ailleurs, dans toute la force du terme, ils envisageaient les dons extérieurs et les avantages corporels, la vigueur physique, la beauté, la grâce, l’élégance comme les